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Principes essentiels en cartographie.
par Amm
Dans toutes les présentations de vulgarisation de la cartographie, on oublie, il me semble, quelques principes essentiels.
Une carte est faite pour présenter une vue conceptuelle de la réalité. On ne devrait jamais faire de mesure depuis une carte. À l’origine de la cartographie, il y a de la topographie et de la géodésie qui permettent de déterminer dans un repère à trois dimensions les coordonnées d’un repère physique identifiable (sommet de clocher, point haut, bornes). Les méthodes et les précisions pour déterminer ces coordonnées sont variables en fonction du temps (histoire) et du lieu. On pourrait imaginer de déterminer les coordonnées de chaque détail réel (chaque arbre, chaque chemin etc.) Evidemment on ne le fait pas mais on s’en approche.
La cartographie consiste à transformer ces coordonnées de base en une représentation, en général plane, mais pas toujours (globe terrestre). On a trop souvent utilisé l’analogie d’une projection géométrique; la plus connue pour les français est la projection conique Lambert. Et bien ce n’est pas une projection géométrique mais une projection mathématique. Le calcul d’une projection géométrique aurait nécessité des calculs interminables au XIXe siècle. On s’est donc arrêté aux premiers termes de la projection. Comme on utilise partout la même règle, le résultat est cohérent et le fait que la projection ne soit pas exactement géométrique n’a aucune importance.
Cette projection mathématique est réputé normale c'est-à-dire qu’elle conserve les angles. C'est-à-dire que si depuis un point donné, on calcule, à partir des coordonnées de projections (Lambert J), la différence angulaire (gisement) entre deux cibles identifiables, cet angle calculé sera identique à l’angle mesuré avec un théodolite, sur le terrain réel. Et il en est ainsi pour tous les triplets de points réels. Par contre, les distances entre les points ne sont pas conservées car l’échelle n’est pas constante sur toute la surface de la carte. Lambert c’était fait pour les artilleurs pour qui l’azimut de tir est fondamental mais dont l’estimation de la distance induit, de toute façon, des corrections de tir.
On est donc passé, par la projection, des coordonnées tridimensionnelles natives (résultat des mesures topographiques et géodésiques) aux coordonnées à deux dimensions avec une troisième dimension en paramètre (disons pour simplifier : l’altitude). Dans le cas du Lambert, mais c’est la même chose pour d’autres projection comme l’UTM, par convention, on dessine sur la surface projetée (mathématiquement aussi) une grille souvent réputée kilométrique. Cette grille, est souvent constituée de lignes droites sur la carte (sur la projection). Ce n’est pas une grille kilométrique qui aurait été dessinée sur le terrain réel et dont on aurait matérialisé la projection sur la carte. Il s’ensuit que si la grille sur le papier semble déterminer des carrés exacts, les images inverses, sur le terrain, de ces carrés du papier ne sont pas des carrés parfaits. Les carrés sur le terrain de font pas UN kilomètre de côté. Pour limiter ces altérations dimensionnelles, on va utiliser plusieurs projections voisines. Ça a donné les Lambert I II III IV en fonction de la zone cartographiée sur la France. Ce n’est pas le cas des méridiens et des parallèles qui sont eux, effectivement, des lignes (imaginaires) tracées sur le terrain et dont on reproduit les projections sur la carte.
Ça montre qu’on ne devrait jamais mesurer une distance sur le papier, et par une règle de trois avec l’échelle, en déterminer la distance réelle sur le terrain. D’ailleurs, dans l’absolu, c’est quoi la distance entre deux points ? Celle en suivant la surface de la terre ou celle au travers de la terre en ligne droite ? Tout est affaire de convention.
En fait, à partir de la carte, on devrait identifier les repères dont on souhaite déterminer la distance. Aller dans des tables qui à partir du nom de ces repères (et les coordonnées sur le papier de la carte) vont indiquer les coordonnées tridimensionnelles du repère et faire le calcul de la distance sur ces coordonnées.
De tout cela il s’ensuit que pour un point particulier, on n’indique pas ses coordonnées tridimensionnelles mais ses coordonnées sur la projection (et on entérine définitivement ces coordonnées). Tel clocher va donc avoir des coordonnées Lambert X et Y par exemple en Lambert II. Par la projection inverse (mathématique) on peut retrouver des coordonnées tridimensionnelles de départ. L’énorme problème qui se pose c’est que ces coordonnées de départ (celles mesurées) sont entachées d’erreur de mesure du fait de leur détermination par une méthode de triangulation qui consiste à amplifier une petite longueur, parfaitement mesurée, en ne mesurant, ensuite, que des angles. Un même point, qui est représenté sur la carte, et qui possède des coordonnées fixes de projection, va se retrouver avec plusieurs coordonnées réelles, par exemple, si on reprend, 50 ans plus tard, les coordonnées réelles avec un GPS. Comme du fait de la triangulation, les erreurs se sont propagées, il s’en suit que la détermination, par le calcul (et non la mesure) des coordonnées GPS des repères identifiables d’une carte, va faire intervenir des grilles de correction. À partir de là, tout se complique.
Quand on va parler des coordonnées Lambert 93, d’un même point identifié sur une carte, les mesures initiales topographiques et géodésiques ne seront plus les mêmes. Du fait qu’on ne peut pas tout les 20 ans tout recommencer, on va, à partir de quelques points déterminés par une méthode GPS, recalculer, avec les anciennes mesures de triangulation, les coordonnées des points de détail. Avec les méthodes modernes de calcul informatique, on peut donc produire une multitude de coordonnées en fonction des mesures et des corrections apportées. C’est pour ça que lorsqu’on lit la description d’un point géodésique (une borne IGN par exemple), la précision annoncée n’est pas la même en fonction du type de coordonnées. Pour simplifier on pourrait indiquer pour ce point :
• Les coordonnées Lambert II telles que calculées
il y a 50 ans et qui ont servi à dessiner le repère sur la carte.
• Les coordonnées exprimées en degrés décimaux dans
le système géodésique WGS84, mesuré avec un GPS.
Ce sont les coordonnées du même point mais il n’est pas possible de passer de l’une à l’autre par le calcul, puisque ce ne sont pas les mêmes appareils qui les ont mesurées. Tous les convertisseurs usuels le font pourtant parce qu’on admet qu’apparaissent de nouvelles erreurs de conversion ; approximation qui, dans l’usage courant d’un promeneur ne vont avoir aucune incidence mais, si ces mesures sont utilisées pour percer un tunnel en commençant par les deux extrémités, en espérant se rencontrer sous terre, vont devenir très critiques au bout d’une dizaine de kilomètres.
Et dans tout ça, on n’a pas parlé de l’altitude … qui est encore la principale cause d’erreur, grossière, dans les applications aux ouvrages de génie civil.