Dossier Instruction EFS

 Florence Guillot - 1998

  

LA PREVENTION EN SPELEOLOGIE,


ACCIDENT ET INCIDENT,


CONDUITE A TENIR

 

La prévention en spéléologie vise à se prémunir contre les accidents, mais aussi les incidents et les événements même mineurs qui perturbent le bon déroulement d'une sortie.

La règle générale qui conduit au déroulement optimal d'une sortie, est la corrélation entre les objectifs techniques et physiques de l'exploration, et les capacités de tous les participants. La formation et l'information permettent d'augmenter les capacités des participants.

Ainsi, prévenir ne signifie certainement pas tout prévoir, mais avoir une réponse efficace à tout problème. Cette réponse demande une formation adéquate, donc des connaissances et souvent du matériel. On ne saurait lister ci-après tous les problèmes qui peuvent survenir; aussi nous nous intéresserons plutôt aux règles d'organisation générale permettant le bon déroulement d'une sortie, puis à la conduite à tenir en cas d'accident afin de permettre à l'accidenté de ressortir dans les meilleurs délais et conditions.

 1. 1. LA PREVENTION EN SPELEOLOGIE

1.1. L'organisation d'une sortie

" Organisation ", le terme est important. L'organisation préalable d'une exploration est d'autant plus longue et complète que la sortie est d'un niveau technique et physique important. L'organisation s'alourdit aussi quand on ne connaît pas, ou peu, le karst où l'on pratique la spéléologie.

- II s'agit d'abord de pouvoir donner une alerte efficacement. Il faut donc connaître les règles de l'alerte sur la zone où l'on pratique. Vous pouvez téléphoner aux Conseillers Techniques du Spéléo-Secours, mais cela peut s'avérer long et ne pas donner de résultat. La méthode la plus courante en France devrait être de joindre le Centre de Traitement de l'Alerte (18) en demandant bien que le Conseiller Technique vous rappelle, et ne pas vous éloigner du téléphone d'où vous avez donné l'alerte, afin de pouvoir donner d'autres renseignements au Conseiller Technique ou au médecin.

Dans le même ordre d'idée, il est utile qu'une personne qui reste à l'extérieur sache où vous êtes, à quelle heure elle doit déclencher une alerte si vous n'êtes pas de retour, et comment (18 + demande de parler au Conseiller Technique). Attention, indiquez bien une heure de déclenchement et respectez-la dans vos explorations (ayez donc une montre), pour éviter les fausses alertes.

- II faut aussi connaître les risques liés à la météorologie et en tenir compte, surtout si l'on pratique dans des karsts que l'on connaît mal et, évidemment, suivant le risque de crue dans la cavité envisagée. Le numéro départemental de la météo est le : 08.92.68.02 + n° du département. Rappelez-vous que, même précises, ces prévisions peuvent s'avérer erronées et tenez compte du temps qu'il a fait les jours précédents.

- II est aussi nécessaire d'adapter la taille de l'équipe à la sortie, c'est-à-dire prévoir de ne pas se retrouver à 10 personnes en bas d'une succession de puits ou en bas d'un grand puits. On peut très bien, si le groupe est important, prévoir une équipe dont le rôle est d'équiper, et décaler le reste des personnes qui devront déséquiper. Et si l'on est encore plus nombreux, intercaler entre ces équipes une autre équipe qui ne fait que visiter. On peut ainsi positionner les personnes suivant leur technicité et leur niveau de résistance physique, et surtout éviter les attentes.

- Pour optimiser une sortie, il peut être aussi nécessaire d'adapter son matériel; notamment par un entretien régulier et sérieux qui évite beaucoup de problèmes pouvant être graves. Ce que nous laissons souvent traîner en longueur (changer une longe ou un mousqueton défectueux, par exemple), ne représente la plupart du temps qu'un très faible investissement en temps et en argent.

Il faut aussi choisir le matériel adéquat. Deux exemples peuvent être, à ce titre, significatifs. Combien de débutants s'épuisent dans des remontées laborieuses car leur matériel n'est pas bien réglé (pédales, baudrier, ...)? Enfin, combien d'entre nous ne se sont pas pris une " ponction " en ayant trop chaud sous une combinaison plastique dans une cavité d'Ardèche, ou au contraire, en grelottant sans Rhovyl supplémentaire ou cagoule pour attendre dans un gouffre froid ?

Enfin, en ce qui concerne le matériel, on doit souligner qu'il est indispensable d'avoir un éclairage électrique en bon état de fonctionnement.

- II faut toujours avoir du matériel pour parer à une situation exceptionnelle. La couverture de survie est à ce titre indispensable pour attendre en groupe (point chaud) ou seul (tortue : assis sur sa combinaison, la couverture enroulée autour de soi et la flamme entre les jambes). Elle doit être épaisse (plastifiée) afin de pouvoir attendre longtemps. Il ne faut jamais hésiter à l'utiliser, même pour une heure ou deux.

Tente de survie ou petit point chaud

(in "Lumière Noire", Bulletin spéléologique d'Ile de France, 1985)

On peut avec davantage de couvertures de survie construire des points chauds plus spacieux, quand on est nombreux. Il est toujours plus convivial et confortable de construire un point chaud que rester chacun en tortue sous la survie.

On doit aussi pouvoir pallier à une perte de matériel personnel, donc connaître les techniques et posséder le matériel nécessaire pour remplacer un descendeur, une poignée, etc.

Pour une exploration,longue, prévoir également un peu de carbure et de nourriture en plus de la consommation prévue. Il est utile en classique de prendre une pochette à spit, quelques amarrages et petites cordes supplémentaires pour compléter l'équipement, et être sûr d'atteindre l'objectif.

- Adapter le matériel ne suffit évidemment pas. Encore faut-il ajuster, voire optimiser le niveau physique de tous les membres de l'équipe. Pour cela il suffit souvent de se connaître et de choisir un niveau de spéléologie correspondant aux capacités de tous, et donc du plus faible.

Pour augmenter ses capacités, le rôle de l'entraînement est primordial. Mais l'on peut aussi soigner sa condition physique avant et pendant une sortie d'envergure. Il faut tout d'abord respecter au mieux les cycles de vie habituels; donc éviter de se décaler dans le temps et dans les horaires des repas. On peut aussi soigner son alimentation avant et pendant l'exploration (cf Dossier Instruction "modifications biologiques à l'effort"). On peut retenir quelques grandes règles d'alimentation : repas de la veille au soir et petit déjeuner copieux ; sous terre, manger souvent mais jamais en grande quantité, et surtout boire très souvent; privilégier les glucides lents et les fibres (pâtes, pain), mais emporter aussi des sucres rapides (chocolat, pâtes de fruits). Il faut répartir l'alimentation et le carbure dans autant de kits qu'il y aura d'équipes sous terre; et ne pas les poser au-dessus des cordes d'équipement...

1.2. Les approches ou la prospection

Beaucoup d'accidents ou d'incidents surviennent lors des approches et surtout au cours du retour. Suivant que l'on pratique la spéléologie ou la prospection dans un milieu plus ou moins accidenté, les règles de sécurité sont, bien sûr, différentes. Mais certaines approches ou prospections relèvent véritablement de la pratique de la montagne, voire de l'escalade. Il s'agit alors d'en connaître les règles de sécurité qui ne peuvent être véritablement traitées ici, le sujet étant trop important.

- Savoir s'orienter, lire une carte (cf Dossier Instruction "Orientation lecture de carte"). Notons ici l'intérêt de posséder une bonne carte (1 /25 000ème) et éventuellement un altimètre et une boussole (ou un compas du matériel topographique). Ne jamais négliger les sorties de nuit et effectuer un bon repérage lors de l'approche ou un balisage avec des scotch-lights que l'on peut enlever au retour.

- Attention aux problèmes météo qui, ici, prennent d'autant plus d'importance (brouillard, chute de neige, foudre...). Dans ce. cas, la connaissance des prévisions météo est indispensable; il ne faut pas se contenter de la météo télévisée, mais appeler le serveur départemental la veille de l'exploration.

Noter qu'en cas d'orage ou d'éclairs, la moins bonne des idées consiste à se protéger de la pluie à l'entrée de la cavité ou même en bas du premier ou du second puits. Car les fissures et les cavités conduisent exceptionnellement bien la foudre.

- Enfin, la pratique de la montagne en hiver sur manteau neigeux demande une connaissance pointue des problèmes liés aux avalanches (cf Cahier EFS "la spéléologie hivernale").

En tout état de cause, sur manteau neigeux et hors des pistes balisées, la méthode de déplacement la plus simple et la moins technique reste l'utilisation de raquettes. Mais celles-ci ne permettent pas de s'attaquer à des pentes importantes. Avec des raquettes, il faut prévoir un piolet, une pelle à neige par personne, une sonde (il existe des bâtons qui se transforment en sonde) et au moins deux ARVA par équipe. Il faut aussi avoir des vêtements adaptés à la montagne, en aucun cas les mêmes vêtements que vous avez portés sous terre (les bottes avec des raquettes, c'est la meilleure solution pour s'embêter et n'avoir aucune tenue de marche; quant à la sous-combinaison mouillée ... brrr).

Il est alors nécessaire de connaître les règles de conduite à tenir en cas d'avalanche et s'intéresser de près aux informations fournies par Météo France sur l'état du manteau neigeux, et à la météo en générale (situation des plaques à vent, chutes récentes de neige et orientation du vent, risque global...). Si vous n'avez jamais entendu parler de plaques à vent, il vaut mieux éviter les approches hors des pistes balisées, car les risques générés par la neige sont très importants et demandent véritablement une formation, peut-être plus complexe que celle de la spéléologie elle-même.

1.3. Sous terre

Quelle que soit la sortie envisagée, la meilleure prévention des accidents et des incidents en spéléologie est bien évidemment de savoir renoncer dès que l'on rencontre un problème auquel la réponse est malaisée, peu certaine. Cette attitude est d'autant plus difficile à appliquer que la sortie est importante et a été préparée de longue date. C'est souvent dans ce dernier cas que l'on commet des imprudences, car il est délicat de renoncer à un objectif qui tient à cœur.

Rappelons aussi qu'il est important pour la sécurité sous terre, que ce soit sur ou sans agrès, de s'attendre, c'est-à-dire rester au moins par groupe de 2 spéléologues, tout particulièrement en ce qui concerne la fin d'une équipe : ne jamais laisser seul un équipier à l'arrière.

Il faut aussi être toujours vigilant à propos de l'état de fatigue d'un coéquipier. Si l'on décèle des signes de fatigue importants chez un équipier (difficulté à progresser, froid intense, grande nervosité ou au contraire, apathie), il faut impérativement s'arrêter. En fait, la ligne de conduite est dans un premier temps de reposer, réchauffer, réhydrater et restaurer la ou les personnes qui sont fatiguées ou épuisées, et non pas chercher à les faire sortir même en les aidant. On doit monter un petit point chaud, à l'écart de l'eau et du courant d'air, dans lequel le ou les spéléologues pourront se reposer, s'alimenter et boire. Le mieux, quand on le peut, est de manger chaud (soupe, thé sucré). Essayer de faire un véritable repas et ne pas donner uniquement des sucres rapides (mars, pâtes de fruits...). Ce n'est qu'après avoir pris ces dispositions que l'on pourra envisager, si leur état s'est amélioré, de continuer lentement vers la sortie.

L'arrivée d'une crue peut aussi poser de gros problèmes; beaucoup d'accidents fatals se sont produits alors que des spéléologues tentaient de remonter contre la crue. On doit toujours bien juger de la puissance de l'eau, tout particulièrement dans les puits où une cascade, même petite, peut entraver grandement la progression. Si l'on juge qu'il y a le moindre risque, il vaut mieux s'arrêter à l'abri (quitte à redescendre des puits pour chercher un endroit plus sec) et construire une tente de survie. En tout état de cause, il vaut mieux s'arrêter alors que l'on aurait peut-être pu monter, que tenter une remontée hasardeuse. Si l'on choisit de remonter un puits arrosé avec le matériel, penser que l'on doit toujours pouvoir larguer son kit; il doit donc être attaché par un mousqueton qui s'ouvrira facilement. Il faut aussi longer les kits à l'envers pour qu'il ne se remplissent pas d'eau, et se suivre de très près. Il faut être particulièrement vigilant sur l'état des équipements qui peuvent avoir été endommagés par l'eau, donc ne pas hésiter à utiliser le faisceau électrique pour vérifier l'état de la corde et des amarrages au-dessus. Dans ce cas, attention aux déviations qui permettent à la corde libre et ballottée par le courant d'air de s'accrocher derrière des becquets.

Enfin, un cas particulier tient à la présence de gaz et au manque d'oxygène sous terre. Certaines régions françaises en sont plus pourvues que d'autres, et ce phénomène (il s'agit le plus souvent de C02) est parfois difficile à déceler. Les gaz peuvent avoir une origine naturelle, mais être aussi dus à des travaux de désobstruction à l'explosif ou à l'utilisation de moteurs à combustion (une perforatrice à essence, un groupe électrogène...). Les premières sensations sont souvent un essoufflement et une fatigue anormale que l'on a d'abord tendance à mettre sur le compte de sa mauvaise forme physique. Le mauvais fonctionnement de la lampe acétylène (flamme petite et très jaune) ou l'extinction rapide des cigarettes allumées sont aussi des facteurs très alarmants. Les maux de tête n'arrivent souvent que dans un second temps. Dans tous les cas, la seule solution est de faire demi-tour et ne pas s'exposer, même si l'on pense en avoir les capacités : les risques sont très importants et les conséquences de l'exposition sont impossibles à prévoir avec certitude.

1.3.1. Sécurité technique liée à l'utilisation d'agrès

L'utilisation d'agrès en spéléologie est certainement ce qui requiert le plus d'intérêt dans notre communauté. Il n'est pas question ici de refaire le manuel technique de l'Ecole Française de Spéléologie auquel on pourra utilement se reporter, notamment pour la progression et l'équipement.

• II faut évidemment connaître le fonctionnement du matériel et l'utiliser à bon escient; il doit être en bon état.

• II faut aussi s'efforcer de respecter les règles de sécurité de la progression sur agrès. A ce sujet, on notera l'intérêt de l'automatisation des gestes qui permet, même en état de grosse fatigue, de reproduire sans réfléchir les gestes de sécurité, comme celui de se longer sur la main-courante de sortie d'un puits.

A propos de la progression sur agrès, soulignons le danger des équipements en fixe (échelles, fils clairs, cordes...) dont on ne connaît ni l'âge ni l'état. Ils sont souvent la cause d'accidents graves et il faut être particulièrement prudent quant à leur utilisation. La solution la plus sage restant de ne pas les utiliser ou de s'assurer systématiquement avec une corde.

Enfin, il est primordial de connaître et pratiquer les manœuvres de dégagement d'un équipier sur toutes les portions d'équipement (puits, main-courantes, tyroliennes...).

Il est aussi nécessaire de respecter les règles d'équipement en toutes circonstances. Par règles d'équipement, il faut entendre celles qui sont liées à la sécurité, mais aussi celles qui sont liées au confort de la progression pour éviter la fatigue et éventuellement des blocages. On ne peut dans ce dossier revoir toutes les règles qui sont traitées dans le manuel technique de l'E.F.S., mais on peut rappeler les principales :

- Nœud en bout de corde

- Principe du double amarrage en tête de main courante et de puits

- Test préalable de la solidité des amarrages naturels

- Nettoyage parfait des paliers ou équipement permettant d'éviter les chutes de pierres.

- Double amarrage des fractionnements dans le cas où la rupture de l'amarrage met en danger (chute de pierre, sectionnement de la corde, grand pendule, cascade...)

- Equipement hors-crue dans les gouffres sensibles à ce phénomène, même s'il fait beau.

- Absence de frottement de la corde.

1.3.2. Sécurité liée à la progression hors agrès

On pense plus facilement aux risques générés par l'utilisation de la corde qu'à la progression sans agrès. Pourtant, deux fois plus d'accidents se produisent lors des progressions sans agrès qu'au cours de l'utilisation de cordes. Il convient donc d'être particulièrement prudent. Parmi les principaux dangers, on citera :

Les escalades de tous types. Si on est souvent tatillon sur les techniques d'équipement, on s'expose parfois beaucoup plus et sur des hauteurs importantes, au cours d'escalades ou de passages en opposition. En escalade sous terre, la règle est personnelle et dépend de l'aisance de chacun. Mais rappelons qu'il faut éviter de se faire entraîner derrière quelqu'un de plus compétent et qu'il faut être vigilant à la remontée de grosses explorations car la fatigue et le poids des kits est un facteur défavorable. Dans tous les cas litigieux, la solution d'équiper l'obstacle doit être retenue. Il faut alors réaliser un véritable équipement et non pas poser un bout de corde sur un amarrage branlant.

Les étroitures. Les plus dangereuses sont les étroitures verticales ou celles dans lesquelles on progresse en hauteur au-dessus d'un passage encore plus étroit (méandres). Il peut être intéressant de dégrafer au préalable la jugulaire du casque pour éviter d'être coincé par celui-ci et risquer de s'étouffer. En tout état de cause, il faut être particulièrement prudent car aider quelqu'un dans une étroiture, encore faut-il être du bon côté, est souvent très difficile et peu efficace. Les techniques de désobstruction étant de plus en plus utilisées aujourd'hui, il vaut mieux parfois aménager une étroiture que risquer sa vie à chaque passage.

Les trémies. Elles peuvent être réellement dangereuses et beaucoup d'accidents graves sont dus à leur effondrement. Il vaut mieux tester la trémie avant de s'y engager en essayant de la purger et en l'observant au mieux. On peut aussi passer individuellement les zones dangereuses et faire le plus attention possible, c'est-à-dire observer et passer lentement. En cas de doute, le mieux est, comme dans le cas des escalades et des étroitures, d'aménager l'obstacle en plaçant des vérins, du câblage, des boisages ou en cimentant certains blocs. La vigilance doit être maximale en cas de désobstruction de trémie.

Les perditions. Les vraies perditions sont plutôt rares en dehors des traversées, mais il arrive souvent que la recherche de l'itinéraire de retour ne soit pas de tout repos. Pour pallier à ces difficultés qui peuvent rendre le retour pénible, il suffit souvent d'observer en se retournant sur les croisements pour les voir tels qu'ils apparaîtront au retour. On peut aussi monter de petits caims avec des cailloux. Il est tout aussi utile de se munir de la topographie si l'on ne connaît pas, ou mal, la cavité. Encore faut-il bien savoir la lire et connaître les signes utilisés pour son tracé.  

En traversée, les perditions ont souvent des conséquences désagréables. Elles sont aussi irrémédiables dès que l'on a tiré un rappel dans le mauvais réseau. Les sorties en traversée sont donc beaucoup plus délicates à organiser que les visites ou les explorations traditionnelles. L'apparente facilité des traversées cache en fait l'engagement de cette pratique. Il faut bien évidemment connaître parfaitement les techniques de rappel. Il faut aussi être certain à 100 % que quelqu'un, ou mieux plusieurs personnes, connaissent parfaitement le cheminement, ou que celui-ci est simple ou encore très bien balisé. En cas de doute, ne pas hésiter à laisser un puits équipé pour aller voir plus loin et revenir le déséquiper si la suite est certaine.

2. ACCIDENT ET INCIDENT. CONDUITE A TENIR

Les causes des accidents et incidents sont trop variées pour que l'on puisse en dresser une liste exhaustive dans ce document. On peut tout de même noter les principaux, tels les chutes, les chutes de pierres, les crues, les épuisements, les perditions, les coincements, les noyades (notamment en plongée, mais pas uniquement) ou les éboulements. Etant donnée la diversité des causes et des conséquences médicales, les réponses et les réactions seront multiples.

Il faut avant tout tenter de garder son calme au maximum, au moment de l'accident ou de l'incident, mais aussi par la suite. La précipitation qui peut vous faire gagner quelques minutes sur une alerte peut aussi faire perdre des heures par l'oubli d'une information ou d'un geste. Les conduites d'urgences sont du ressort de l'équipe de spéléologues présente, et s'il y a un point vital à préserver, ce sont les équipiers qui pourront l'assurer.

2.1. Blocages

Quand une équipe entière est bloquée (crue, perdition), il faut nécessairement organiser l'attente dans les meilleures conditions possibles. Il faut d'abord rechercher un lieu où l'on pourra, à l'abri de l'eau et des courants d'air, construire un point chaud. Il vaut mieux construire un grand point chaud que faire des tortues dans lesquelles on a du mal à se reposer, à se réchauffer, à communiquer avec les autres et à s'alimenter. Bien penser à s'isoler au maximum du sol. N'oubliez pas qu'il vaut mieux se mettre dans un point chaud en sous-combinaison, car la combinaison empêche de sécher, et rien ne sert de garder son baudrier pour attendre des heures assis. Ne pas oublier de s'alimenter et boire (chaud) régulièrement ainsi que d'aller faire un tour pour se dérouiller les jambes et uriner.

2.2. Blessures ou incapacité à progresser par ses propres moyens

II est difficile de bâtir des règles précises en matière de conduite à tenir en cas d'accident car la diversité des situations fait que, sous terre, les spéléologues présents sont seuls juges en la matière; le succès de l'entreprise repose sur la qualité et le bon sens de leur jugement et de leurs actions.

On peut tout de même entrevoir des phases dans la réaction des coéquipiers de l'accidenté; ce sont celles du bilan qui conduit à la décision de mettre en attente le blessé ou aider à sa remontée, puis s'il y a eu mise en attente, l'alerte. Dans cette optique on se rend compte que l'alerte est la dernière des actions menées, qu'elle doit donc être précédée d'un sérieux bilan et de l'installation la plus confortable possible du blessé.

Mais dans le cas particulier d'un blessé sur corde, il faut parfois, avant de faire un véritable bilan, le dégager. Il faut donc connaître les techniques de dégagement sur corde et ne pas perdre de vue que la manœuvre doit être rapide et efficace, mais non traumatisante pour la victime. La rapidité du dégagement d'une personne inconsciente est importante; mais ne perdez pas de vue que le plus important est la réussite de la manœuvre et surtout la rapidité avec laquelle vous arriverez au niveau du blessé, pour lui mettre les pieds dans ses pédales et lui maintenir la tête droite, avant de le dégager.

Quelle que soit votre compétence, il ne sert à rien de réaliser un dégagement d'équipier en quelques secondes si vous mettez dix minutes avant de réagir : donc pendant la remontée d'un équipier fatigué devant vous, vous devez l'observer, lui parler, et réagir sans délai s'il ne bouge plus et ne répond pas.

2.2.1. Le bilan (cf Dossier Instruction "Spéléologie et médecine")

II doit pouvoir être fait rapidement, surtout dans le cas où l'accidenté risque un suraccident et doit être déplacé rapidement. La qualité du bilan dépend de la formation au secourisme des spéléologues présents. On doit au minimum se poser et enregistrer les réponses aux cinq questions du SAMU :

Le blessé :

1. Répond-il aux questions ? (conscience - inconscience).

2. Peut-il bouger de partout ?

3. A-t-il du mal à respirer ?

4. A-t-il un pouls au poignet ?

5. A-t-il une lésion évidente ?

Certaines lésions comme les problèmes respiratoires ou circulatoires demandent évidemment une réponse immédiate et donc un minimum de formation en secourisme. Essayez d'aller suivre la formation A.F.P.S. (Attestation de Formation aux Premiers Soins), qui ne demande qu'une vingtaine d'heures; elle est assurée par les services spécialisés dans tous les départements (sapeurs-pompiers, Croix-Rouge, Protection Civile).

A partir d'un bilan rapide, mais sérieux, on pourra décider soit d'aider le blessé à remonter par ses propres moyens, soit de le mettre en situation d'attente et aller donner l'alerte.

2.2.2. Aide à la remontée

C'est une opération qui ne peut être réalisée qu'avec l'entière approbation du blessé, car sa motivation est un des facteurs de réussite.

Il faut aussi connaître les techniques (balanciers), aide sur main-courante et pouvoir être efficace dans ces manipulations. Il faut encore que les obstacles à franchir ne soient pas trop difficiles pour l'accidenté. Il faut enfin veiller au confort du blessé lors de ces manœuvres (pieds dans les pédales, torse serré...) et ne pas hésiter à faire des arrêts pour reposer, restaurer, réchauffer, réhydrater.

2.2.3. Mise en attente d'une victime

II faut monter un point chaud ou tente de survie dans un endroit abrité pour permettre au blessé d'attendre. Il faudra aussi l'installer dans le point chaud, sans baudrier, sans combinaison et si possible, laisser toujours quelqu'un à proximité pour parler et réconforter la victime. Maintenir le moral d'un blessé est tout aussi primordial pour sa survie que de l'alimenter, le faire boire et uriner régulièrement.

Dans le cas d'un blessé inconscient, il faudra l'installer en P.L.S. (Position Latérale de Sécurité). N'oubliez pas qu'une personne inconsciente peut vous entendre parler. Enfin, il ne faut pas la laisser seule car si elle redevient consciente, elle risque un choc psychique très grave; le problème peut donc être sérieux si l'on n'est que deux sous terre : faut-il sortir alerter ou rester près du blessé ?Je vous laisse choisir ... Néanmoins, si l'on a pris soin de renseigner une personne à l'extérieur sur les lieux, horaires et conduite à tenir pour alerter les secours, le choix sera plus facile.

En cas de choc ou de chute, mais surtout en cas de mal au dos, il faut suspecter une lésion de la colonne vertébrale. Les déplacements de la victime devront être réalisés avec un maximum de précaution pour maintenir l'alignement des vertèbres. Si l'on est assez nombreux (trois), on peut le soulever en maintenant l'axe cou-tronc en saisissant les talons, le haut du cou et les épaules, et les reins. Mais si l'on est seul, la manœuvre est plus délicate : il est alors possible en saisissant la victime sous les aisselles et en calant bien sa tête contre votre joue de la tirer sur le sol en reculant. Ces déplacements délicats doivent tout de même être réalisés s'il y a un risque de suraccident ou si la situation d'attente est trop inconfortable (cascade, fort courant d'air, sol chaotique impossible à aplanir...). Rappelons qu'il vaut mieux prendre un risque pour la colonne vertébrale que laisser mourir un accidenté, ou plus crûment, qu'il vaut mieux être dans un fauteuil roulant que mort.

2.2.4. L'alerte

Muni d'un bilan sérieux et une fois que la victime est installée (ou avant si des personnes compétentes peuvent rester pour l'installer), on doit sortir pour alerter le spéléo secours. Il vaut mieux, si possible, remonter à deux pour assurer la sécurité et il ne faut pas s'affoler pour éviter le suracccident. Si la cavité est peu connue et surtout si sa topographie n'est pas diffusée, il faudra en outre enregistrer ou mieux, noter des informations techniques telles que hauteur des puits, présence de passages étroits...

L'alerte doit parvenir à un Conseiller Technique mais il peut être difficile à joindre directement. Vous pouvez joindre le Centre de Traitement de l'Alerte (18, numéro gratuit) et demander qu'un Conseiller Technique du Spéléo Secours vous rappelle. Il faudra alors lui donner les informations recueillies en s'appliquant à ne rien oublier (parking, accès, obstacles, état du blessé, nombre de personnes présentes sous terre). Rester joignable au téléphone d'où vous avez donné l'alerte afin de pouvoir donner d'autres renseignements au Conseiller Technique ou au médecin.

3. BIBLIOGRAPHIE

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 - GUILLAUME France, Les modifications biologiques à l'effort en spéléologie, applications pratiques à la diététique et à la conduite d'exploration. Dossiers Instruction de l'Ecole Française de Spéléologie, 1982.

 - Comité Régional de Spéléologie d'Ile-de-France, Physiologie, diététique et secourisme en spéléologie, bulletin spéléologique d'Ile-de-Françe, numéro spécial, 1985.

 - HOLVOET J-P. - LIMAGNE R., Orientation, étude de cartes, Dossiers Instruction de l'Ecole Française de Spéléologie, 1986.

 - HOLVOET J-P., Cartographie - Orientation et lecture de cartes. Les cahiers de l'E.F.S., n° 2, 1987.

 - Comité Régional de Spéléologie Midi-Pyrénées, Médicalisation des secours, Spélé Oc, n° spécial 66, 4ème trimestre 1993.

 - Ecole Française de Spéléologie, Manuel technique de l'Ecole Française de Spéléologie, 1996.

 - ANCEY C. (sous la direction de), Guide neige et avalanches : connaissances, pratiques, sécurité, Edisud, Aix-en- Provence, 1996.

 - CLEMENT N., La spéléologie hivernale. Les cahiers de l'E.F.S., n° 8, 1998.

- OSTERMANN J-M., Spéléologie et médecine, Dossier Instruction de l'Ecole Française de Spéléologie, 2002.