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Préhistoire et Histoire de l'éclairage
CHRONIQUE DE « Doc Carbur » N° 15

Les vestiges d'éclairages préhistoriques de la galerie
des Pas de la grotte d'Aldène (Cesseras, Hérault)

Remerciements : voir en page 1

1/ INTRODUCTION

En 2007 est publiée sur le Bulletin du Musée d'anthropologie préhistorique de Monaco, une étude très complète des traces de torches retrouvées dans la grotte d'Aldène (Cesseras, Hérault). Les auteurs  Philippe GALANT, Paul AMBERT, Albert COLOMER et Jean-Louis GUENDON (DRAC et CNRS) apportent un éclairage nouveau (c'est le cas de le dire) à la fois sur la technique employée par les hommes qui ont parcouru cette cavité, mais aussi sur l'origine de ces traces et par voie de conséquence sur la motivation de ces premiers explorateurs.

Avec l'aimable autorisation d'un des auteurs, nous allons simplement ici vous exposer quelques illustrations issues de cette publication, l'abstract et des extraits de l'analyse des données recueillies dans la cavité ainsi que des expérimentations effectuées. Nous vous invitons à lire l'ensemble de cet article pour en savoir plus :

"Bulletin du Musée d'anthropologie préhistorique de Monaco", N°47, ISSN 0544-7631, Editions du Musée, 2007, pp 37 à 80.

 

2/ RÉSUMÉ / ABSTRACT (bull. page 37)

FR : Cette étude porte sur les traces charbonneuses présentes sur les parois et sur les fragments charbonneux localisés au sol, de la "galerie des pas" de la grotte d'Aldène (Cesseras, Hérault). L'inventaire systématique de ces vestiges a multiplié leur nombre par trois. L'examen détaillé de toutes les traces a permis de préciser les contextes de réalisation, différenciant les gestes volontaires des impacts accidentels. Ces derniers sont généralement dus aux modifications des morphologies de galeries. Les traces réalisées volontairement correspondent à des marquages de points de repères caractéristiques, à des comportements ludiques ou encore à un balisage difficile à interpréter. La mise en situation de ces traces avec la topographie du réseau dans une démarche d'étude géomorphologique a permis de préciser le comportement des explorateurs préhistoriques de cette cavité. L'analyse détaillée des vestiges charbonneux a également permis de restituer les torches d'éclairage et leur modalité d'utilisation, confirmée par une expérimentation. Cette approche "paléospéléologique" des vestiges d'éclairage apporte un nouveau regard tout à fait unique de la spéléologie préhistorique.

UK : This study turn on caol's trace those present on wall and on the carcoal's chip with on the ground, of the "human step gallery" of the Aldène cave (Cesseras, Hérault). The trace inventory has multiply their number by three. The retail examination of some trace has make difference to voluntary movement or accidentel impact. This last result generally a consequence of modification of gallery's morphology. The trace who's make voluntary correspond at a particulary landmark, a play's voluntary movement or at a signposting to difficult at interpret. To look this trace in relation with topographic drawing map of cave and with a geomorphogical study has specify the prehistoric explorer behaviour in this cave. The particulary study of carcoal'chip are restore primitive torch lighting and conditions of use, to confirm by a experimentation. This approach "paléospéléological" to old trace of light give a new look on the prehisoric speleologic.

3/ ANALYSES et CONCLUSIONS - extraits - (bull. pages 72 à 80) [NB : les passages en gras ont été soulignés par nos soins]

Les impacts pariétaux de torches constituent l'essentiel des traces relevées. Parmi ceux-là, nous avons différencié les gestes volontaires de ceux réalisés involontairement. Cette distinction a été effectuée en se basant sur la nature des traces relevées. Le rapport entre ces deux types de traces est assez parlant : 28% d'entres elles sont d'origine volontaire, 61% résultent de marquage involontaire. Seulement 11% des cas n'ont pas pu, dans le doute, être déterminés. (...)

L'étude de la trémie qui obture l'entrée a permis de situer précisément le secteur de passage des préhistoriques, signalé notamment par la présence de fragments charbonneux au niveau point de fermeture (Guendon et al., 2004). Dès la salle de la trémie comme dès l'amorce de la galerie principale, leur circulation entre les blocs effondrés de la voûte est parfaitement définie par la répartition des fragments charbonneux au sol et les quelques impacts de torches (figure 26). L'expérimentation des reconstitutions de torches (infra) apporte une justification à cette densité de fragments charbonneux dans la zone d'entrée. Elle découle de la technique d'éclairage utilisée. (...)

Le passage retour a emprunté les mêmes galeries que celui de l'aller. En toute logique spéléologique, les différents diverticules visités à l'aller ne l'ont pas été au retour. L’aller correspond à la découverte du réseau, le retour suscite moins d’attention, seul l’amas charbonneux (TC 29), situé en dehors de toute logique de circulation, correspond à l’observation d’une fissure invisible à l’aller. La descente du ressaut dans les gours entraîne une forte concentration de marques réalisées au retour (43 à 48). Dès lors le cheminement s’adapte à la configuration de la galerie principale, les marques restant contingentées aux changements morphologiques des parois. (...)

La lecture de la piste des empreintes de pas humains nous informe donc sur la présence d'un groupe composé de 10 à 15 personnes où les femmes et les enfants sont largement majoritaires. Cette distribution sociale rappelle parfaitement la composition familiale large dans une société traditionnelle où la prédation constitue encore l'unique moyen de subsistance. Nous avons vu que les traces laissées par les dispositifs d'éclairage tout au long des galeries explorées, permettent de définir le contexte morphologique de la visite préhistorique, traduisent des différences de gestes ainsi que la restitution des axes de passages. L'ensemble de ces éléments nous permet alors d'établir quelques remarques sur le comportement du groupe. (...)

Ces quelques observations traduisent à notre sens un comportement normal dans un tel contexte. Notre expérience de la spéléologie nous confirme les agissements du groupe tel que nous avons pu les relever. Le fait même que les explorations des différentes galeries adjacentes aient été réalisées à l’aller se retrouve dans les explorations spéléologiques modernes. Les situations particulières, caractérisées par des traces involontaires dans des situations de progressions difficiles, sembleraient indiquer que les dispositifs d'éclairage aient été portés en main droite. Par contre, plusieurs marquages volontaires, injustifiés par les conditions de progressions nous interrogent. Ils laissent penser à des gestes gratuits, parfois ludiques comme la traînée observée au niveau du TC 12. Mais ils traduisent probablement aussi la mise en place inconsciente des points de repères nécessaires à la maîtrise que nous voulons avoir dans un environnement qui sort de notre quotidien. Bien au de-là de la réalité d'une simple exploration, les indices paléo-spéléologiques relevés dans ce réseau de la grotte d'Aldène traduisent les agissements d'un groupe humain dans une recherche de la maîtrise de son territoire. (...)

Les impacts relevés sur les parois et les groupes de fragments charbonneux qui leur sont quelquefois associés, comme ceux répartis dans les galeries, indiquent l'utilisation de bois incandescents. Les impacts matérialisant un geste volontaire ont enregistré une dizaine de points charbonneux regroupés en amas sub-circulaires, correspondant au contact d’une dizaine de brandons tenus ensemble. (...)

Les assemblages obtenus avec les branches de genévriers sont variables selon l'état physique du bois et surtout selon les diamètres utilisés. Les différentes formules mises en œuvre (voir tableaux) nous indiquent que ce sont les deux premiers types qui correspondent le plus aux traces identifiées à Aldène. Ce sont des dispositifs d'environ 70 cm de long, avec des diamètres (minimums et maximums) assez variables, mais qui restent compris dans la dizaine de centimètres. Les assemblages nécessitent des ligatures tous les 10 à 15 cm. Lorsque la torche brûle, la rupture de la ligature sur ces longueurs n'entraîne alors aucune modification dans la tenue du faisceau ce qui n'est pas le cas lorsqu'on espace plus les points d'attache. (...)

L’un des principaux apports de cette expérimentation, celui qui nous a le plus étonné car nous ne nous y attendons absolument pas, concerne l'aspect pratique du dispositif. La prise en main est bonne et ce, quelle que soit la latéralisation. Cette donnée est importante surtout dans un contexte de progression accidentée. On peut également poser la torche au sol et la reprendre quelques instants plus tard sans qu'il y ait une altération de la qualité de la lumière produite. Ce point est primordial dans le franchissement d'obstacles. De plus, si la torche vient à s'éteindre, il suffit de l'agiter dans l'air pour ré-aviver les brandons encore incandescents. (...)

Un point particulier concerne le mouchage des torches. Il est habituellement admis que ce geste est censé ré-aviver la flamme après un impact volontaire contre un support (parois ou bloc rocheux). C'est ainsi que l'on a jusqu'alors justifié la présence de traces charbonneuses sur les parois de nombreuses cavités. Notre étude des traces retrouvées dans la galerie des pas de la grotte d'Aldène tend à infirmer cette hypothèse. L'expérimentation des torches nous a montré que les parties brûlées tombaient seules sans altérer la partie qui brûle encore. Au contraire, le mouchage contre une paroi éteint le dispositif en détruisant la partie incandescente de l'extrémité des brandons. Cette observation renforce notre conviction que le mouchage relève d'une réelle volonté de marquage plutôt que d'un geste technique relatif à la gestion du dispositif d'éclairage. (...)

Les faits ainsi mis en évidence soulignent que le comportement des spéléologues préhistoriques n'est guère différent de celui de nos explorateurs modernes. Il traduit certainement une force de caractère qui a su motiver la volonté d'exploration et les moyens à développer pour y arriver. (...)

4/ DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES (adaptés des documents originaux)

Doc. 1

d'après Bull. pages 40, 44 et 73

Galerie des pas :
position des 102 traces numérotées
(détails de la zone de la trémie : cliquer dessus)

Doc 2.

d'après Bull. pages 49 et 46

Impact de torche volontaire en paroi
(Trace N° TC01)

Doc. 3

d'après Bull. page 60

Relevé d'un ensemble charbonneux au sol
(Trace N° TC19)

 

5/ TORCHE RECONSTITUÉE : vidéo mpeg4 (images de Marc Navas)


cliquer sur l'image

6/ COMPLÉMENT D'INFO : l'article paru dans Spelunca N° 81

 

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