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La lampe primitive >>>
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Par
un bel après-midi de juin, l’Homme des Cavernes découvrit
le feu. Comme il vivait dans les cavernes et qu’il n’y
faisait pas très clair, il remarqua que si le feu chauffait, cuisait,
fumait, il pouvait aussi éclairer...
Avant
l’Antiquité, les lampes ne sont que des objets utilitaires,
auxquels on n’accorde qu’un soin dérisoire. Si dès le
Néolithique, l'huile végétale, plus fluide, est préférée à la graisse
animale ou à la résine, ce sont les Grecs et les Romains qui donneront
toute leur noblesse aux lampes à huile. Qu'elles soient en pierre,
en terre cuite, en fer et même en bronze, jusqu'au Moyen-âge
certaines sont malicieusement décorées : outre les ornements classiques,
on trouve des visages humains, des têtes d’animaux, des becs
multiples,...
Le
principe est simple : dans un récipient rempli d’huile, trempe
une mèche en fibres végétales torsadées ou tressées (roseau, chanvre,
lin, laine, puis coton) qui se gorgent de liquide par capillarité,
et que l’on allume. L’huile étant assez difficile à
enflammer, la flamme ne remonte pas le long de la mèche, même dans
les lampes ouvertes bien conçues (elles ne le sont pas toutes !).
Ce
type de lampe à huile sera le seul en usage jusqu’au XVIIe
siècle : suivant les régions, on parle de « caleil », de « cracet
», de « caléo »... Les formes resteront pratiquement les mêmes :
un godet (réservoir), ouvert ou fermé, et un bec qui porte la mèche.
Parfois un autre godet, sous le principal, permet de recueillir
l'huile qui goutte (voir Figure 1). Des systèmes de crémaillère
ou de vis permettent d'incliner le réservoir pour amener l'huile
à la mèche lorsque le niveau baisse. Ces lampes en fer, parfois
en bronze ou en laiton, sont à suspendre ou à accrocher ; leur «
harpon » (voir Figure 2) se pose sur un clou, sur le rebord
d'un meuble, ou se plante directement dans un mur ou une poutre.
Le combustible utilisé varie selon les régions
et les moyens du bord : huiles végétales de noix, colza, olive,...
ou animales (baleine). Toutes n'ont pas le même coût ni les mêmes
résultats : par exemple, le colza est moins cher, mais moins lumineux
que la noix.
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SUPPLÉMENTS À NE PAS MANQUER **
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2.
Chandelles, brûle-jonc, éclats de bois, cierges et bougies
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En
Occident, à partir du Moyen-âge la chandelle
rivalise avec la lampe à huile. En effet, cette dernière a l’inconvénient
de réclamer une attention constante - la remplir régulièrement,
couper et remonter la mèche qui charbonne, nettoyer l’huile
qui coule,... La chandelle, seulement constituée d’une mèche
entourée de suif de bœuf ou de mouton, est plus pratique sans
être excessivement chère (mais elle est taxée et l'huile reste plus
économique). Plus de liquide qui se renverse, de flamme à ajuster,
de réservoir à remplir ! Mais le suif coule et graisse les doigts
(voir Figure 3), la flamme demeure jaune et fumeuse, il
faut toujours entretenir la mèche qui finit par charbonner... La
perfection est encore loin !
Les
moins fortunés utilisent aussi les brûle-joncs
: des tiges de jonc séchées sont trempées dans de la graisse animale,
et brûlent en produisant une faible lumière. Elles sont maintenues
à la base par une espèce de pince en fer (parfois doublée d'un porte-chandelle
- voir Figure 4). Encore moins chers, et encore moins performants
sont les éclats de bois : des morceaux de bois
résineux sont posés sur une grille, souvent près de la cheminée,
et sont enflammés.
La lumière artificielle
coûte cher, trop cher. Le plus souvent, le feu de l’âtre éclaire
seul la table familiale lors des repas et des veillées.
À cette époque, une alternative est réservée
aux plus riches : c’est le cierge de cire.
Il conserve les avantages de la chandelle et en élimine les défauts.
Mais son prix en limite la diffusion dans les plus hautes sphères
de la société.
Dans la bougie stéarique, développée
au milieu du XIXe siècle, on sépare chimiquement les deux composants
du suif, l'acide stéarique et l'acide oléique. C'est le premier
qui est conservé dans les bougies, en utilisant parallèlement des
mèches de coton tressé, ce qui assure une flamme plus fixe et plus
brillante que jamais. Le tressage permet à la mèche de se courber
et de se consumer : inutile alors de la moucher ! La misérable chandelle
disparaît alors, et la cire perd de son intérêt.
Différents
types de chandeliers permettent d'utiliser au mieux ce mode d'éclairage
plus pratique que l'huile (voir Figure 5). Le bougeoir
comporte un plateau que l'on tient par une anse, généralement dans
les chambres et pour se déplacer. Dans les flambeaux (à une chandelle)
et les candélabres (à plusieurs chandelles), on encastre en général
la bougie dans un tube profond de quelques centimètres. On peut
également la piquer sur une pointe, ou au contraire l'insérer en
entier dans un tube (un ressort la pousse alors vers le haut). Certains
chandeliers, dits à binet coulissant, permettent de remonter
la chandelle au fur et à mesure qu'elle se consume. D'autres encore
sont munis d'une pique pour être fichés dans les poutres en bois.
Les bobèches, espèces de disques posés à la base de la bougie, évitent
que le suif ou la cire ne coulent par terre. Les mouchettes sont
des espèces de ciseaux qui servent à couper (« moucher ») l'extrémité
carbonisée de la mèche des chandelles.
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3.
Premiers progrès
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À
partir du XVIIe siècle, le coton est importé des terres exotiques
et fait son apparition dans les mèches des chandelles et des lampes.
LÉGER, vers 1770,
propose des mèches en coton tissé, enduites de matières grasses
aromatisées, qui conduisent une huile épurée.
Mais le principal problème reste que dans toutes ces lampes primitives,
l’huile arrive irrégulièrement à la mèche qui se consume et
charbonne, tandis que la flamme reste jaune, pâle et fumeuse.
Une
des premières améliorations sera la mèche plate
(voir Figure 6). Avec une mèche classique, l’intérieur
de la flamme ne reçoit pas d’oxygène ; avec la mèche plate,
l’air peut « lécher » toute la flamme et la combustion est
meilleure.
Comme nous l'avons évoqué, de nombreuses lampes suspendues avaient
leur godet inclinable, par vis ou crémaillère, permettant de toujours
amener l’huile au niveau de la mèche. Mais cela n’offrait
qu’une servitude supplémentaire !
Vers 1780,
le chimiste français PROUST invente la lampe à
niveau constant et à réservoir latéral : à l’intérieur
du réservoir une sorte de cloche renversée retient l’huile,
qui arrive régulièrement au bec situé sur le côté.
Par ailleurs, ARGAND propose
son bec à double courant d’air : la mèche
n’est plus pleine, mais elle devient cylindrique (en forme
de tuyau), ce qui permet à l’oxygène de circuler à l’extérieur
et à l’intérieur de la flamme. On retrouve un peu le principe
de la mèche plate, mais le rendement et la luminosité sont meilleurs.
Il ajoutera une cheminée de tôle au dessus de la flamme, bientôt
remplacée par un verre cylindrique dès que le verre aura atteint
une qualité qui lui permet de résister à la chaleur. Ce verre canalise
l’air autour de la flamme et assure le tirage. L'ANGE remplace
le verre tubulaire par un verre coudé, étranglé
au niveau de la flamme, augmentant encore l’effet du tirage.
(Ce type de bec sera conservé jusqu’à nos jours ; légèrement
modifié, il équipe toujours les lampes à pétrole.)
Antoine QUINQUET, associé à L'Ange,
regroupe en 1784
ces trois inventions novatrices pour fabriquer la lampe qui porte
son nom (voir Figure 7). Son principal apport,
outre une excellente commercialisation, est de monter le réservoir
et le bec sur une tringle verticale. Cette lampe, très populaire,
pratique, fonctionnelle et simple, connaît un grand succès, malgré
son défaut de projeter une ombre immense à cause du réservoir.

En 1820
apparaît la lampe sinombre (du latin, sans ombre)
de PHILIPS : le réservoir en forme d’anneau
creux entoure le bec et supporte un abat-jour (voir Figure 8).
L’huile coule vers la mèche avec un débit suffisamment important
pour assurer une bonne combustion. À cause de son réservoir
qui masque en partie la lumière autour de la lampe, on trouvera
surtout ce type d’éclairage aux plafonds et sur les bureaux.
Mais son réservoir est plat et non torique, ce qui fait que le débit
de l’huile (toujours au même niveau, à quelques millimètres
près) est constant, et que l’immense ombre du réservoir disparaît. |
4.
Les lampes mécaniques  |
En
1800, Guillaume
CARCEL invente une lampe sur pied, dont le système
d’horlogerie actionne un piston qui fait monter l’huile
de manière régulière jusqu’au bec. Le porte-verre est mobile
: la hauteur du coude est variable, pour obtenir la plus belle lumière
possible. On reprochera au mécanisme de cet appareil d’être
délicat et capricieux, son prix élevé réservant l’usage des
lampes Carcel aux plus fortunés.
Petite
révolution, la lampe à modérateur voit le jour
en 1837
(voir Figures 9 & 10). Fiable (du moins tant qu’elle
est neuve !) et peu onéreuse, elle reprend le principe des lampes
à pompe : un ressort comprime l’huile dans le réservoir, qui
remonte vers la mèche. L’astuce, pour assurer un débit régulier,
est de faire passer le liquide dans un tube de faible diamètre (2
ou 3 mm), solidaire du piston et mobile, dans lequel passe une aiguille
fine, le modérateur. Quand la lampe est pleine, le tuyau est bien
enfilé dans le modérateur, l’huile à forte pression a du mal
à passer ; quand la lampe est bientôt vide, le tube est presque
libéré et l’huile à faible pression passe facilement. La clef
ronde sert à régler la mèche, tandis que l'autre - souvent joliment
décorée - actionne une crémaillère pour remonter le piston au-dessus
de l'huile.
Toutes ces lampes, à cause de leur perfectionnement,
réclament un entretien important. Il faut les remplir et les nettoyer,
en évitant de se salir, régler ou changer les mèches, etc. |