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Préhistoire et Histoire de l'éclairage

CHRONIQUE DE « Doc Carbur » N° 15

exclusivite

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13 ter. Le récit de l'affaire du carbure de la rue Laumière comme si vous y étiez !   


Article du Parisien d'octobre 1990.
exclusivite
Par Spelaïon.

 

« Je voulais pas la raconter, mais… bon ; puisque vous insistez.

C'est le siège du Club Alpin Français et donc aussi celui du Spéléo-club de Paris qui, depuis sa fondation, le 1er janvier 1936, constitue le "Groupe spéléologique du Club alpin français d'Île-de-France".

Dès qu'on a emménagé, les spéléos ont réquisitionné les sous-sols, comme ils l'avaient fait auparavant (chinois) rue La Boétie et comme ils le feront plus tard, rue Boissonade. Il faut bien ranger le matos quelque part !

Dans les étages supérieurs, se déploie une vaste bibliothèque, consacrée à la montagne et à la spéléo. Désireux de pouvoir la consulter en toute liberté, j'ai employé les grands moyens : J'ai épousé la bibliothécaire. Mais, c'est une autre histoire ; tel n'est pas mon propos de ce jour.

Dix heures du mat, un beau jour de printemps, d'été, d'hiver ou d'automne, après un épisode de fortes pluies. Une odeur sournoise s'immisce dans les locaux. Une odeur… sui generis. Une odeur sui generis, si vous n'avez pas eu comme moi l'ineffable privilège de vous taper sept ans de latin (assortis de cinq années de grec ancien), c'est l'odeur de son espèce, celle qui nous distingue de l'odeur des blaireaux, des renards, des fouines et des ressortissants des espèces bovines et porcines.

Bref ; ça pue la merde.

Tout le monde se regarde en ronds de flanc. Zut ! Il - ou elle - aurait bien pu se retenir. C'est pas si difficile que ça de serrer les fesses !

Vient à passer Jasmine - mon épouse - qui s'écrie :

- "Mais ! ça sent le carbure !"

Et de se ruer dans le bureau du directeur, qui croit tout d'abord à une agression sexuelle, mais qui, une fois détrompé - mais déçu -, compose le "18".

Trois minutes après, les pompelards déboulent. Ils font évacuer l'immeuble, l'immeuble d'à côté et l'immeuble de l'autre côté. Puis ils barrent la circulation, sur l'avenue Laumière.

Dans le siège déserté du Club alpin français, ne restent plus - outre les soldats du feu - que le dirlo (en tant que responsable) et Jasmine (en tant que sachante). "Sachante", c'est un terme qui me vient des études de droit, qui ont suivi ma peau d'âne du bac Philo de 1967. Mais je ne vais pas tout vous traduire ; procurez-vous un dictionnaire, ou un code civil.

On a interdit de fumer, d'allumer les lumières et d'éteindre celles qui le sont déjà. Les héros sont prêts. Équipés de leur bouteille d'oxygène à la robinetterie inférieure, ils descendent deux par deux.

Auparavant, ils inscrivent à la craie leur matricule sur un tableau noir qu'on a disposé là. Ainsi, s'ils ne remontent pas, on pourra faire dire une messe à leur mémoire, à la Sainte-Barbe, patronne des pompiers. Mais ils remontent ! Et - avec eux - les fûts de carbure.

Jasmine parvient à me téléphoner : - Il faut sauver le carbure !" Ma bagnole est en panne, comme d'hab. Je bigophone AU pote qui possède LE 4x4 susceptible d'avaler les fûts pour les transporter en lieu sûr. Il fait la sourde oreille, mais se laisse finalement convaincre, quand j'invoque le prestige et l'avenir de la Spéléologie Française. Il sera disponible le lendemain.

Mais, le lendemain, plus de carbure ! Les pompiers l'ont emmené au pas de tir (j'ignore toujours lequel) où il a été détruit. Il y avait un Exocet, rescapé de la guerre des Malouines, et un missile terre-terre Milan, qui passaient par là… Ça a dû faire un grand BOUM ! Deux jours après, j'ai rendu visite au directeur du CAF, à qui j'ai juré - sur la barbichette d'É.-A. Martel) que c'était exceptionnel, qu'on ne stockait jamais de produits dangereux dans les sous-sols du siège et que cela ne se renouvellerait plus.

Puis, j'y ai fait transférer le carbure de remplacement, que j'avais reçu le matin même.
Mais, cette fois-ci, il fut tout de même stocké dans deux énormes bidons en PVC, munis de joints toriques.

Il y est toujours. Toutefois, quand nous avons quitté l'avenue Laumière, j'ai préféré l'entreposer dans ma cave personnelle. Il est donc, actuellement, sous mes fesses. Tiens ! ça fait longtemps que je ne suis pas allé contrôler le vieillissement de mes pétrus et de mes corton-charlemagne - et il a pas mal plu, la semaine dernière. Bof ! il me reste - à tout péter (sans jeu de mots) - 10 à 15 kilos, car j'en vends aux cataphiles de passage.

J'ai entendu dire, qu'à Briançon, ils veulent se débarrasser d'un fût, devenu inutile. J'irai peut-être le leur chercher (ma bagnole est réparée. Si ; si.), sinon ils peuvent adopter le scénario de l'avenue Laumière. Qui sait ? Les pompiers l'enfouiront peut-être en quelque aven, ou le jetteront-ils dans la Guisane. Cela pourrait être rigolo.

Les fûts incriminés étaient des "Bellegarde" de 70 kilos. Ils étaient grisâtres et s'ouvraient "à la sauvage", avec pied de biche, burin et marteau - et se refermaient très mal. L'usine de Bellegarde n'a adopté - à ma connaissance - les fûts bleus en acier inox, pourvus d'une ouverture-fermeture par cerclo, qu'au cours de la dernière année de production. Je pense qu'ils auraient résisté à l'inondation et l'incident "Laumière" n'aurait pas eu lieu.

Mais il n'y aurait pas, non plus, eu d'histoire.

Ça m'a donné soif.

À la bonne Vôtre !
Spélaïon »

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