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CHRONIQUE DE « Doc Carbur » N° 2 Petit essai d'étude étymologique et étiologique des noms de cavités et son application à un inventaire Héraultais |
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Par Dominique ROS 2. Lexique 3. Introduction 4. Des baptêmes de toutes sortes.
5. Application à l’inventaire du causse de Viols le Fort / Cazevieille
6. Conclusion
Pour éclairer les quelques mots techniques auxquels il n’est pas possible d’échapper, voici un mini dictionnaire à qui on pourra se référer en cas de besoin. Étiologie : études des causes d’un phénomène. Étymologie : étude de l’origine et de l’évolution sémantique des mots. Hydronyme : nom de cours d’eau. (hydronymique : qui se rapporte à un nom de cours d’eau) Idiosyncrasie : tempérament propre à chaque individu. Microtoponyme : nom d’un lieu de très faible étendue (parcelle, ru, layon) . Onomastique : étude des noms propres. Oronyme : nom de relief. (oronymique : qui se rapporte à un nom de relief) Pré-indo-européen (p.i.e.) : qui est relatif à une langue antérieure à l’origine du latin et du grec. Tautologie : expression où le premier terme donne la même information que le suivant. Toponyme : nom de lieu. Spéléologue moi-même mais également grand amateur de généalogie, j’ai rapidement ressenti une vive curiosité pour certaines dénominations de cavités étranges ou incompréhensibles au premier abord. L’étude des noms de famille (onomastique) m’a conduit tout naturellement à me documenter sur ce sujet. De là, j’ai glissé vers l’étude des noms de lieux (toponymie) et de cours d’eaux (hydronymie) . En effet, les patronymes tirent bien souvent leur origine du terroir d’où ils sont issus. De même, les cavités portant des noms de lieux sont légion et c’est par ce biais que j’ai été amené à m’y intéresser. Mais les noms de cavités que j’ose à peine appeler « spéléo-toponymes » ont, à l’instar des patronymes, des origines beaucoup plus variées : nous allons essayer d’y voir plus clair dans un premier temps parmi cette diversité. Ensuite, nous ferons en quelque sorte des travaux pratiques sur l’inventaire du Causse de Viols le Fort / Cazevieille (Nord de Montpellier, Hérault) . Cette zone, très fouillée depuis déjà plus de 50 ans offre en effet un éventail très riche de noms avec actuellement plus de 700 références. Pour chaque catégorie quelques cavités sont citées comme illustration avec leur situation géographique (commune, région et/ou département) et parfois un éclaircissement étiologique si nécessaire. Dans un souci bien légitime de situer précisément la nouvelle cavité, l’inventeur choisit ici un point précis, coté en général sur la carte 1/25000 de l’IGN, relativement proche. Parfois aussi, il emprunte la dénomination d’un signe particulier visible sur le terrain : pylône électrique, panneau de signalisation, relais de TDF, poteau de téléphone numéroté, réservoir d’eau etc. Toutes ces cavités sont faciles à repérer dans un inventaire, elles sont relativement récentes en général. Cette méthode de dénomination est austère et assez peu originale : c’est le revers de son côté pratique.
Le spéléologue veut cette fois pérenniser l’instant fugace de la découverte. Retenir le temps est bien illusoire, mais le souvenir d’une découverte espérée et attendue, de longues heures de désobstruction ou de prospection par monts et par causses qu’il pleuve ou qu’il vente, mérite parfois de voir sa date marquée d’une pierre blanche. Dans cette catégorie on retrouve bien souvent des jours fériés, on comprend aisément pourquoi... Peut-être aussi s’agira-t-il de commémorer quelque événement dont l’inventeur tient à immortaliser le souvenir, pour une raison connue souvent de lui seul (souvenirs familiaux et/ou sentimentaux essentiellement) .
Ils témoignent, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, que la spéléologie attire encore plus d’hommes que de femmes. Nous retrouvons ici les prénoms des fiancées d’un jour ou des femmes d’une vie mais aussi de toute personne ayant une place dans le coeur de celui qui a baptisé la cavité : mère, soeur, etc. Il peut s’agir parfois d’un hommage à une personne disparue de la famille vers qui vont les pensées au moment de pénétrer sous terre.
Au moins aussi nombreux que les précédents, mis à part les cavités baptisées pour commémorer le décès malheureux d’un ou plusieurs spéléologues, elles dénotent en général d’un manque certain de modestie. Parfois encore on peut y voir le remerciement de l’inventeur envers la personne lui ayant indiqué la cavité (chasseur, paysan, berger...) . Quoi qu’il en soit, ce genre de dénomination (masculin ou féminin) pose à terme un problème dans les régions de forte prospection. La liste des prénoms n’étant pas infinie, on se retrouve avec des doublons qui sont pénibles car il faut préciser à chaque fois de quelle cavité on parle. Cela donne par exemple des répliques du style : « - Non, l’Aven Brigitte du Causse de Viols pas l’Aven Brigitte de l’Hortus ! ! » qui rallongent bien inutilement les conversations.
Le plus souvent, il ne s’agit pas de celui de l’inventeur mais de quelqu’un à qui on a voulu faire honneur en donnant son nom de famille à la cavité. Nombreux sont les noms de spéléos plus ou moins célèbres dans leur région, mais on retrouve aussi le patronyme des propriétaires du terrain où s’ouvre l’aven ou la grotte, d’un ami ou d’un parent décédé, d’un personnage local renommé. L’origine se perd parfois dans un lointain passé et il serait bien souvent intéressant de connaître l’histoire en détails.
Voilà une catégorie pleine de pièges pour celui qui tente de percer ses mystères. Les quelques exemples suivants montreront l’impossibilité de conclure sur l’origine exacte sans connaître l’historique complet de la découverte.
On retrouve, en quantité assez restreinte, quelques cavités nommées à partir d’initiales d’individus ou de sigles de clubs. Certains intitulés sont difficiles à classer comme la Grotte des J.O. ? (Le Rouet, 34) qui a semble-t-il un rapport évident avec les Jeux Olympiques et la série des Trous A, B, C et D ? (Cazevieille, 34) dont je serais curieux de connaître l’origine .
Voilà très certainement le groupe le plus important de « spéléo-toponymes » et aussi un des plus intéressants car il mène inévitablement à l’étude des noms de lieux de notre région. On va rencontrer des noms de communes, de hameaux, de lieux-dits, de bois, de thalwegs, de cours d’eau, de tènements, et toutes sortes de microtoponymes. Le problème que l’on rencontre fréquemment avec ces cavités, c’est que les zones karstiques les plus fouillées voient les appellations se multiplier avec une même « racine » toponymique. Cela donne des séries parfois impressionnantes comme celle des Grottes N° 1 à 10 de Saugras (Argelliers, 34) . A travers eux nous effectuons une plongée dans l’histoire du patrimoine naturel et humain qui nous entoure, remontant parfois jusqu’au moyen-âge et bien souvent plus loin encore à l’aube de la création de la langue orale. On y retrouvera des racines occitanes puis latines, gauloises et finalement pré-indo-européennes. Nous rentrerons dans les détails en étudiant le Causse de Viols le Fort, pour l’instant voici un exemple unique et typique pris sur une zone voisine : le Causse de l’Hortus.
Nous considérons uniquement ici, les noms liés directement à un toponyme proche de la cavité. Les appellations ayant un rapport au relief ou à l’eau, mais sans que l’on puisse les relier au contexte géographique, seront étudiés dans les parties 4.5.5 a) et b) . Les reliefs portent presque toujours des noms spécifiques qui sont très souvent employés pour baptiser les cavités ; c’est une catégorie très fournie comme nous le verrons avec l’étude de l’inventaire du Causse de Viols.
Quand il s’agit de résurgences ou de cavités s’ouvrant près de sources, de mares ou en bordure de cours d’eau, c’est bien évidemment ces lieux qui ont influencé la toponymie des cavités.
Il faut entendre par découverte : la cavité elle même, mais aussi les circonstances de cette découverte dont un élément parfois fort banal est à l’origine d’une idée qui se transforme très vite en nom de baptême. Il faut reconnaître que lorsque le spéléologue effectue une désobstruction au résultat décevant (cavité de quelques mètres seulement) , il n’est pas enclin à passer des heures de réflexion sur le sujet. Pourtant il ne faut pas oublier qu’un petit trou perdu peut parfois devenir, sous l’action conjointe de la nature ou de la ténacité d’autres spéléos, une grande classique et déboucher sur une superbe caverne ornée de concrétions hors du commun ou même sur un abîme respectable. Alors, il n’est pas rare de voir les cavités être «débaptisées» et renommées différemment. Cela peut se concevoir quand il s’agit de remplacer un simple numéro de cotation ou d’inventaire (du type de celui utilisé dans les prospections des karsts pyrénéens ou alpins) par un véritable nom ; quoi de plus naturel... Mais que penser, par exemple, du superbe toponyme : « Grotte de la Combe d’Arc » (Vallon Pont d’Arc, 07) devenu à l’occasion de la découverte des vestiges (certes extraordinaires) que l’on sait : la « Grotte Chauvet » ? ! ! Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les noms décrivant la cavité sont relativement rare. Serait-ce parce que toutes les grottes se ressemblent ? Certes pas ! Alors il faut y voir une sorte de pudeur des spéléologues à dévoiler le contenu de leur découverte de façon aussi évidente. On ne peut pas le leur reprocher. Imaginez un peu ce qui pourrait advenir à une cavité hâtivement nommée : Grotte des Aragonites Bleues . D’ailleurs, combien reste-t-il de pisolithes dans l’Aven des Perles ?
Quand on décrit une cavité quoi de plus naturel que de lui donner le nom de « trou », « baume » ou « aven » : dans ce cas elle se retrouve affublée d’un nom double ou répétitif. On va donc retrouver pas mal d’appellations redondantes dont l’exemple le plus fréquent est la tautologie avec le mot baume. Pour expliquer son origine il nous faut probablement remonter au temps où les cartographes ont voulu répertorier et nommer tous les sites connus : s’interrogeant sur une grotte que les autochtones appelaient tout naturellement en occitan « la baomo », ils la renommèrent officiellement et en Français « Grotte de La Baume ».
Objets qui furent bien souvent perdus ou trouvés au cours de la désobstruction ou de l’exploration de ces cavités. Mais un objet trouvé n’est-il pas avant tout, un objet égaré par quelqu’un d’autre ? Il est hélas fréquent de découvrir dans les entrées des avens des quantités non négligeables d’objets divers et immondes dont la décence empêche de faire ici l’inventaire. Bien longtemps après la loi « Martel », les cavités dépotoir sont malheureusement encore une réalité.
Point de sixième continent sans un massif calcaire et l’eau qui le perfore, le sculpte, y meurt, puis renaît à ses pieds. Dans ces conditions, nous allons retrouver dans bon nombre de « spéléo-toponymes » des racines ancrées dans l’eau et la roche calcaire qui leur ont donné naissance. Ils ne sont pas classés avec ceux des sections 4.4.1 et 4.4.2, car il s’agit de noms généraux sans rapport direct avec un toponyme proche de la cavité. Par contre on rattache arbitrairement ici les appellations liées aux mégalithes et à certaines constructions de pierres qui sont pourtant des édifices humains.
Il est plutôt rassurant que certains noms résistent à l’analyse mais surtout à toute tentative de classement ou de mise en fiche. Après tout, les libertaires ne s’en plaindront pas ; quant aux autres, il faut qu’ils se disent que garder une part de mystère et d’originalité attise la curiosité. C’est dans cette catégorie que l’idiosyncrasie (non ce n’est pas une insulte !) déjà bien présente partout ailleurs dans la dénomination des cavités, pend toute son ampleur. On y retrouve donc des appellations découlant principalement du caractère, de l’état d’esprit, du parti pris de l’inventeur. Bien souvent, ces noms cachent une anecdote savoureuse ou farfelue. Ailleurs, laissant parler leur inspiration, des spéléologues ou des habitants du lieu ont donné aux mots une certaine charge poétique. ? Il est clair que l’ensemble de ces appellations ne peuvent être élucidées qu’avec l’aide des parrains eux-mêmes...
Tous les thèmes que nous venons de décortiquer ont tendance à se mélanger et à se combiner entre eux pour donner des « spéléo-toptonymes » mixtes. Leur structure peut être décomposée de la façon suivante :
On pourrait multiplier à l’infini l’analyse et en particulier pour les appellations longues et complexes comme la Grotte de la Bergerie du Bois de la Jasse (Mas de Londres, 34) que l’on peut analyser T + V + T avec un superbe exemple de tautologie puisque le mot « jassa » (oc) du latin populaire « jacium » signifie justement ... bergerie, étable à brebis ! ! ! Ces gouffres insondables où se perdaient parfois les voyageurs imprudents et les animaux au pas mal assuré, ces tunnels sombres à flanc de falaise exhalant parfois des souffles brumeux et glacés ont toujours inspiré crainte et respect. Parfois des hommes téméraires ayant tenté de percer leurs mystères, en revinrent avec des histoires extraordinaires qui excitaient la curiosité mais surtout la superstition populaire. A d’autres périodes de l’histoire, troublées par guerres et conflits, les grottes sont devenues des sanctuaires ou des abris. Mais ne dit-on pas qu’ici des brigands égorgeurs en avaient fait leur repère ou que des bannis, des conjurés de toutes sortes s’y réunissaient. Ailleurs ce sont les fées qui se sont emparées de ce domaine souterrain ou même le pire de tous : Satan et ses disciples ! De nombreux noms sont donc restés influencés par l’histoire, la peur ou la légende.
Un des aspects les plus prenants de la spéléologie est sans conteste la prospection et la désobstruction de nouvelles cavités, en jargon spéléo : la course à la première . Dans ces conditions, il n’est pas rare que des cavités déjà connues mais retombées dans l’oubli soient redécouvertes plus tard par un chercheur qui leur attribuera un nom sur son inventaire. Malheureusement la cavité a parfois déjà été baptisée à son insu. Quand la densité de cavités est importante et que les chercheurs sont nombreux, il en découle des confusions et des appellations multiples pour le même aven ou la même grotte. Le manque de publication, de concertation entre les clubs et entre les spéléos eux-mêmes, l’absence de contact avec les habitants des localités proches ou un désintérêt pour la documentation ne font qu’ajouter à la confusion. Il faudra alors parfois des années pour que des erreurs de ce type puissent être corrigées.
Il est difficile de classer chronologiquement les appellations de cavités, cela revient en effet à retrouver la date de leur baptême. Si souvent cette date se confond avec celle de la découverte, ce n’est pas toujours le cas et de toute façon cela demanderait une documentation complète sur chaque cavité. Un tel fichier de renseignements n’est plus à la portée d’un individu mais demanderait la collaboration de nombreux groupes spéléologiques. Certaines appellations nous facilitent la tâche en donnant la solution elles-mêmes : la Grotte des Camisards (St Maurice, 34) ou la Grotte des Capelans (Argelliers , 34) ont certainement été nommées peu après les guerres de religions. Mais même dans un cas comme celui-ci, il serait difficile de savoir à quand remonte exactement l’histoire ou la légende qui a inspiré le nom. Quoi qu’il en soit, on peut essayer malgré tout de dégager des idées générales sur le lien qui paraît exister entre le type de « spéléo-toptonyme » et son âge. Au cours de cette étude il m’a semblé retrouver les constantes suivantes :
Bien entendu, il ne faut voir dans cette analyse qu’une tendance et surtout pas une règle stricte. Plusieurs cavités récentes ont des noms occitans car leurs découvreurs ont une affinité particulière pour cette langue et on continue toujours à nommer les grottes et avens de façon « sérieuse » en s’inspirant des toponymes environnants, de noms d’animaux ou de végétaux etc. Quoi qu’il en soit, une Baume de Satan a bien des chances d’être l’aînée d’un Aven Diaclase du Stylo Bille...
Dans un souci de clarté et de concision, il n’est plus possible de passer l’inventaire à la loupe ligne par ligne, cavité après cavité. Traiter cette analyse de la même façon que les exemples qui se sont succédés dans les sections précédentes demanderait un minimum de 15 à 20 pages. Voici donc les choix qui ont été faits pour en venir à bout :
Etymologie des principaux toponymes rencontrés Sur le Causse de Viols comme ailleurs, une majorité de cavités prennent le nom d’un terroir ou d’un lieu voisin de leur orifice. Voici donc ici les principales origines étymologiques des toponymes les plus utilisés dans l’inventaire. Commune d’Aniane Cirta > de l’ancien nom de Constantine en Algérie. Combe de Gassac > nom du ruisseau ; lui-même issu d’un domaine gallo-romain : nom celtique « Garitius » + suffixe « -acum ». Puéchabon > (« Piechabou » en oc) du latin « podium » : hauteur, colline. Commune d’Argelliers Arnède > « arn » (oc) paliure : arbuste épineux. Bois de l’Asse > « patus d’Asso ; palus d’Aso » en 1668 : origine probable hydronymique p.i.e. « as ». Cantagrils > « cantagrèl » (oc) terrain aride et pierreux. Autre possibilité, terrain où chantent les grillons (moins probable) . Mas des Gardies > « gardia » (oc) d’un mot germanique pour une hauteur d’où l’on peut observer. Plan de Boscnegre > la petite plaine au bois obscur (touffu) . Prax > déformation de « prats » (oc) prés, du latin pratis en 1140 sur le cartulaire de Gellone. Saugras > nom d’homme d’origine grecque Soprathz influencé par « saugras » (oc) : arbre de Judée Commune de Cazevieille Bois de l’Ane > « ase » (oc) : âne. Croisette > « crotz » (oc) + suffixe « -eta » diminutif : petite croix. Déridière > autre nom du Lirou ; variation de « derreigaire » (oc) qui se dit d’un cours d’eau qui jaillit lors de fortes pluies. Eglise St Etienne > église ruinée consacrée à ce saint. Figarède > « la Figareda » en 1258 sur le cartulaire de Maguelonne : lieu planté de figuiers. Peyrebrune > ruines au nom « de petra bruna » en 1189 ; « pèira bruna » (oc) : pierre brune. Plaine de Seuilles > ou Sueilles de « suèlh » (oc) plateau, surface plane avec des hauteurs. Encore un bel exemple de tautologie. Puech de Caucaliès > hauteur fréquentée par les corneilles (caucala en oc) Roc de Tourrière > « tour ou fortin de Touriere » en 1759 ; de « tourrièr » (oc) qui habite ou qui garde une tour, ou du nom de famille Tourrière. Rocher de Toureilles > « torralha » (oc) tour en ruines. Roubiac > probablement du nom de famille originaire de Robiac (Gard) Ruisseau de St Roman > du nom d’une ancienne église d’Aniane : « S. Romanum » en 1036-1060. Saint Loup > vocable d’une chapelle construite au sommet, tire son nom d’un ancien prieuré à St Jean de Cuculles (1398) . Belle légende liant son origine à St Clair et à St Guiral. Tour de Cazevieille > de l’occitan : vieille maison. Commune de La Boissière Aigues-Vives > source citée en 829 dans le cartulaire d’Aniane « in valle aquaviva » : désigne des sources abondantes et fraîches. Boissière > en 829-840 « per ipsa Boxaria » sur le cartulaire d’Aniane : de « boissièra » (oc) lieu couvert de buis. Bois de Brignou > nom de famille. Patuet > diminutif de « patus » (oc) : pâtis, lieu où l’on mène paître le bétail. Commune des Matelles Baraque > « baracca » (oc) : masure pauvre ou ruinée, cabane. Bois des Moines > également nom d’un ruisseau ; R.A.S. Boulidou > « bolidor » (oc) : source aux eaux bouillonnantes. Colombiers > « colomb » (oc) pigeon : pigeonnier. Coucolières > déformation de « caucaliès » lieu où vivent des corneilles ou de « codolièrs » lieu couvert de cailloux (moins probable) . Crès > déformation de « Grès » ; « gres o cres » (oc) : terrain pierreux et pauvre. Déridière > ibid. Lirou > variante avec suffixe « -one » d’un radical hydronymique «lir » et du gaulois « lirus » désignant des cours d’eau. Matelles > au XII ème siècle « de Matellis » ; de « mata » (oc) : buissons, broussailles. Peryrières de Martin > « peirièra » (oc) carrière de pierres appartenant à M. Martin. Tailhade de Conques > « talhada » (oc) taillis, coupe de bois + « conca » (oc) : vallon ou bas fond. Tour de Cayrol > ou de Roucayrol ; ruines mentionnées en 1770 sur la carte de Cassini : nom de famille issu de « roca » rocher ou sommet. Commune de Mas de Londres Bois de la Jasse > ibid. Caminole > « caminola » (oc) petit chemin, sentier. Clapassilles > «clapassilha » (oc) pierraille. Fambetou > « font » (oc) source + nom d’homme germanique « Betto » Hubac > « ubac » (oc) versant exposé au nord et à l’ombre. Malarasse > « mala rassa » (oc) mauvais rebus, déchet, épi de maïs moisi destiné aux animaux. Puech de Caucaliès > ibid. Sauzet > « sause » (oc) + suff. « et » à valeur collective : bois de saules. Commune de Montarnaud Garonne > ruisseau au nom issu probablement de « wara » (gaulois) : eau ou de « gar » (p.i.e.) : rocher + « onna » (celte) : eau. Ce toponyme est sujet à de nombreuses discussions de la part des linguistes : qui du rocher ou de l’eau a donné son nom à l’autre ? Tombadou > ou Ruisseau de Tombarou ; « tombaron » (oc) : lieu ou l’on risque de tomber ? Commune de Murles Bouet > nom de famille attesté depuis 1759. Cabourillès > dérivé par déformations multiples de « cabrol » (oc) : chevreuil. Cancarié > lac ou mare dérivé avec altération du o en a de « conca » (oc) : bassin + suff. collectif. Caravettes > métairie, « Raimundum de Caravetas » en 1205 ; de « caravu » (p.i.e.) + suffixe diminutif « eta » : petit lieu pierreux. Col de la Combe de Ratouyre > y a-t-il un rapport avec les animaux (rats) ? Garriguette > diminutif de garrigue : petite zone de lande où pousse le chêne kermès : « garric » (oc) . Mas de Perri > nom de famille. Montlobre > « Molobrio » en 1100 de « mont » : montagne, colline + deuxième partie inconnue. Murles > « Pontii Raimundi de Murlas » (lat) en 1103, nom de famille originaire du lieu. Tauriès > « taur » (p.i.e.) + suffixe latin « erium » : montagne, hauteur. Tribes > « tribi » (oc) et « trivium » (lat) : carrefour. Commune de Puéchabon Boscorre > « bosc orre » (oc) : bois difficile à parcourir à cause des rochers qui s’y trouvent . Corbières > « corbièra » (oc) : ruisseau sinueux ou endroit fréquenté par les corbeaux. Lacan > « la calm » (oc) : plateau de lande rocheuse. Liquière > « liquièra » (oc) : pierre dont les troupeaux lèchent les efflorescences salines. Rouquet > « roquet » (oc) : petit rocher de calcaire dur. Commune de St Gély du Fesc Rouquet > ibid. Commune de St Jean de Cuculles Carremaule > nom de ruisseau au cours lent ou qui charrie de la boue ? Mortiès > « mortièr » (oc) : mortier. Passet > nom de famille ou lieu de passage ? Pousterle > « posterla » (oc) : poterne, petite porte. Yorgues > « jorga » (oc) tige ? Commune de St Martin de Londres Abric > « abric » (oc) : abri. Cambous > « cambo » (gaulois) puis « camp bon » (oc) : champ fertile. Caunas > « cauna » (oc) : creux, cavité, grotte. Cazarils > « casal » + suffixe collectif « is » (oc) : ensemble de constructions en pierre sèches. Malarasse > ibid. Pourcaresse > « porcaria » (latin et oc) + suffixe « assa » péjoratif : grande ou sale porcherie. Termeneau > « termenal » (oc) : source ou fontaine qui est la dernière à se tarir en période de sécheresse. Commune de St Mathieu de Tréviers Euzet > « euze » (oc) + suffixe collectif : bois de chêne vert (quercus ilex) . Malembra > peut-être de « mala » (oc) : mauvaise + terme non identifié ? Montferrand > « castrum de Monte ferrando » (lat) en 1132, nom de cette zone géographique (qui prendra plus tard le nom de Pic St Loup) formé avec « mont » + nom d’homme médiéval « Ferrandus », nom propre lui-même issu du mot « fer » : dont les cheveux ont la couleur gris fer du métal. Commune de Vailhauquès Lacoste > « la costa » (oc) : le versant. Ricome > nom de famille. Commune de Valflaunès Mascla > « Le Mas Clar » en 1770 (oc) : ferme de couleur claire. Terrieu > « Terriou » en 1740, « terriu » (oc) : terreux. Commune de Viols en Laval Bois de l’Abric > ibid. Bois de Lacam > ibid. Calages > « mansos de Calatgio » (lat) en 1304, « cala » (oc) + suffixe latin : abri rocheux. Cambous > ibid. Condamines > « condamina » (oc) : terre seigneuriale ou terre particulièrement fertile. Coteau de Las > Déformation de « l’ase > l’as > las » (oc) : âne. Devois des Boeufs > « devès » (oc) : bois ou pâture communal et réglementé. Laval > « val » (oc) : vallée ; Viols pourrait être issu de « volh » (oc ancien) puis du gaulois «voli» ayant le sens de hangar, grange. ? Planpeyroux > « plan » + « peiros » (oc) : plaine caillouteuse. Roussières > ? Suquet > « suc » + suffixe diminutif (oc) : petit sommet. Talhadis > « talhada » (oc) : taillis, broussailles. Tauriès > ibid. Trumauquiès > « truc » (oc) sommet + nom de famille « Mauquier ». Commune de Viols le Fort Coteau de l’As > ibid. Gardioles > « manso de Gardiolas » (lat) au XII ème siècle ; « gardiola » (oc) petite hauteur. Mas de Soulas > nom de famille. Matelettes > « mata » (oc) + diminutif : petites touffes de buissons. Montel > « montèl » (oc) : petite montagne, colline. Peyrols > « pairol » (oc) sommet arrondi comme le fond d’un chaudron. Singla > « singlar » (oc) : sanglier ou nom de famille. * * * Mieux que des colonnes de chiffres le graphique ci-dessous montre bien l’influence très marquée des toponymes et microtoponymes sur les appellations de cavités :
Les toponymes les plus fréquents étant maintenant, au moins partiellement, éclaircis, passons aux autres « spéléo-toponymes » rencontrées sur le Causse de Viols. Ils sont regroupés ici et classés en 15 catégories (hors toponymes) . Ces catégories sont, à peu de chose près, celles qui ont été abordées dans la section 4. Il a paru nécessaire d’y rajouter les voies de communication (qui ont été dissociées des localisations précises) et les noms de métiers qui se retrouvent à plusieurs reprises. La comparaison se fera sous forme graphique pour plus de clarté. Catégories décomptées 1/ LA PIERRE (plus le sable et les constructions en pierre) 2/ L’EAU (et les nuages, la boue...) 3/ LOCALISATION PONCTUELLE 4/ DATE - ÉVÉNEMENT 5/ PRÉNOM (masculin et féminin) 6/ PATRONYME 7/ SURNOMS 8/ INITIALES 9/ ANIMAL (seul ou en groupes) 10/ VÉGÉTAL (ainsi que bois et prés) 11/ OBJET (y compris les véhicules) 12/ MÉTIER 13/ VOIES DE COMMUNICATION (et leurs carrefours) 14/ CROYANCES POPULAIRES 15/ ORIGINAUX (et inclassables)
Un spéléologue peut être né dans la région sans pour autant maîtriser la langue occitane ; de plus notre département accueille chaque année un nombre considérable de personnes originaires de toutes les régions de France et qui n’ont aucune notion des parlers locaux. Aussi, voici pour terminer cette approche « spéléonymique » du Causse de Viols, quelques cavités classées alphabétiquement dont le nom sera traduit spécialement pour tous ceux qui ne comprennent pas l’occitan.
Ce tour d’horizon linguistique est, pour l’instant, terminé. Nous nous sommes replongés dans les racines grecques, latines ou gauloises de l’occitan qui est à la base de la grande majorité des toponymes locaux. Cette exploration nous a ouvert des portes tout en nous interrogeant sur certaines appellations encore mystérieuses. Si chacun d’entre nous ajoutait dès à présent dans ses inventaires une petite colonne réservée à l’origine du nom de la cavité (quand il s’agit d’une première) , cela faciliterait grandement le travail ultérieur des personnes intéressées par la toponymie. Enfin, laissons la parole à un dicton Languedocien à prendre ici au pied de la lettre : « En causas fachas, los conselhs son preses. » (Pour les choses terminées, les conseils sont les bienvenus.) BOISSIER de SAUVAGES (Abbé) - Dictionnaire Languedocien / Français. GAUDE p et f, Nîmes, 1785 DAUZAT (A.) - Les noms de lieux. DELAGRAVE, 1926 ALIBERT (L.) - Toponymes de l’Aude. REVUE INTERNATIONALE D’ONOMASTIQUE N°4, 1957 ROSTAING (C.) , H DAUZAT (A.) - Dictionnaire étymologique des noms de lieux de France. LAROUSSE, 1963 ROSTAING (CH.) , DAUZAT (A.) - Les noms de lieux « Que sais-je » N° 176 P.U.F, 1965 HUGUET (E.) - Mots disparus ou vieillis. DROZ, 1967 RAYNAUD DE LAGE (G.) Introduction à l’ancien Français. SEDES Paris V, 1968 MISTRAL (F.) - Lou tresor dou felibrige. EDISUD, 1979 AVRIL (J.T.) Dictionnaire Provençal / Français et Français / Provençal. LACOUR REDIVIVA, 1980 FABRE (P.) - L’affluence hydronymique de la rive droite du Rhône. CENTRE d’ETUDES OC. UER Montpellier III, 1980 BILLY (P.H.) - Origine des noms des villes et des villages de France. EDITIONS CREMILLE, Genève 1981 HUBERT (E.) - Origine des noms de famille. EDITIONS CREMILLE, Genève 1981 NOUVEL (A.) - Les noms de lieux témoins de notre histoire. TERRA D’OC, 1981 BAYLON (CH.) , FABRE (P) - Les noms de lieux et de personnes. NATHAN, 1982 MAZODIER (P.) - « Les noms de Méjannes le Clap » in Les cavités majeures de Méjannes le Clap. T1 SCSP, 1982 PRIOLLAUD (N.) - Votre nom appartient à l’histoire. MESSINGER, 1982 HAMLIN (F.R.) , CABROL (A.) - Les noms de lieux du département de l’Hérault. LACOUR, Nîmes, 1988 (1983) VIAL (E.) - Les noms de villes et de villages. BELIN, 1983 ALIBERT (L.) - Dictionnaire Occitan / Français. I.E.O. Toulouse, 1985 (1966) BEAUCARNOT (J.L.) - Les noms de famille et leurs secrets. LIVRE DE POCHE, 1988 (Collectif ) - Votre nom n’est pas une énigme. LA REVUE FRANCAISE DE GENEALOGIE N°1 à 6 HS, 1988 / 1993 NEGRE (E.) , DAUZAT (A.) - Toponymie générale de la France. (3 vol.) DROZ, Genève, 1990 / 1991 BOINET (N.) - Un article dans « Spéléo 34 » CDS Hérault, 1992 DUBOIS (J.) , DAUZAT (A.) , MITTERAND (M.) - Dictionnaire étymologique et historique du Fr. LAROUSSE, 1994 FABRE (P.) - Noms de lieux du Languedoc. BONNETON, 1995 TRINQUIER (P.) - Expressions populaires en langue d’Oc. LACOUR, Nîmes, 1995 BIGOT (J-Y) - VOCABULAIRE FRANÇAI S & DIALECTAL des cavités & phénomènes karstiques, S. C. de Paris, CAF, 2002 À ces documents s’ajoutent bien entendu tous les inventaires de cavités publiés depuis des années par les clubs locaux ou par le CDS. |