Chaque fois que la terre tremble
quelque part dans le monde vous avez le journaliste de service qui
vous assène un ésotérique et qui plus est, totalement erroné :
" Séisme de degré X sur l'échelle ouverte de Richter... ".
Qu'en est-il réellement ?
Primo, monsieur Richter n'est pas l'inventeur de l'échelle ni même
de l'escabeau.
Deuzio, une échelle n'est pas plus ouverte que la doline du " Scientifique ".
Une échelle, ça a des barreaux en nombre limité que l'on appellera
degrés si ça peut faire plaisir aux frileux.
Troizio, il existe bel et bien trois échelles d'évaluation des séismes
mais elle sont antérieures à Richter.
Quatrzio, la nouveauté introduite par Richter s'appelle magnitude :
ce n'est pas une échelle mais un nombre issu d'une formule de calcul.
1/
Voyons d'abord l'échelle MKS 1964 (Medvedev, Sponheuer,
Karnik).
Elle découle en l'améliorant de l'échelle internationale de Cancani
et Sieberg et de celle plus connue de Mercalli modifiée aux USA. Cette
échelle comprend 12 degrés notés de I à XII et évalue l'intensité
du séisme par sa description. Pour pouvoir décrire le séisme, donc
ses effets, il faut tenir compte de trois facteurs :
- Les types de constructions (A, B, C) du plus fragile vers le
plus solide.
- La proportion de bâtiments endommagés dans chacun des types ci-dessus
(5%, de 5% à 50%, > à 75%).
- Les degrés de dommages subis (5 degrés : de la chute de
simples petits débris de plâtre jusqu' à l'effondrement total
de la construction).
Par combinaison de ces trois facteurs l'échelle
MSK 64 définit donc ces XII degrés d'intensité que je n'énumérerai
pas ici mais dont voici un exemple :
Degré XI : dommages sévères même aux bâtiments bien construits,
aux ponts, aux barrages, aux lignes de chemin de fer, aux grandes
routes ; canalisations souterraines détruites ; déformation
du terrain ; nombreux glissements de terrain et chutes de rochers.
Vous constatez donc qu'il s'agit d'une échelle totalement empirique
difficile à associer à une véritable mesure. Pourtant, après comparaison,
elle a pu être liée à l'accélération d'une particule de terrain pendant
le séisme (unité : cm / s-2); comme vous commencez
à avoir la migraine je n'entrerai pas dans les détails.
2/ Quelle est l'innovation de monsieur C.
F. Richter (Pasadena) ?
L'échelle précédente variait évidemment en fonction
du lieu : plus on est loin et moins les destructions sont importantes.
Il fallait donc évaluer l'intensité du séisme non plus à l'épicentre
(à la surface du sol) mais au foyer (dans la croûte elle même). C'est
par la lecture des relevés des sismographes que va se faire cette
évaluation de ce qui s'appellera la magnitude : il s'agit donc
d'un nombre différent pour chaque séisme et pas d'un degré sur une
échelle.
La magnitude est définie comme suit : c'est le logarithme de
l'amplitude maximale mesurée en microns sur le graphique obtenu par
un sismographe étalon (0.8 seconde de période et agrandissement x
2800, pour les amateurs de précision) situé à 100 km de l'épicentre.
Cette formule a été modifiée (et donc un tantinet compliquée) non
parce qu'elle était trop simple, mais pour pouvoir s'adapter à des
distances supérieures à 100 km.
Ça donne un truc du style : M= log a
/ T + f (D , h) + C.
Pour avoir tous les détails veuillez téléphoner
à Albert Einstein et laisser un message sur le répondeur...
En résumé, on peut dire que l'énergie dégagée par un séisme de magnitude
3 (à peine ressenti par des appareils sensibles) est cent millions
de fois moins importante que celle d'un séisme de magnitude 7 (grosses
destructions). Le séisme de Lisbonne en 1755 devait avoir une magnitude
de 9 et celui du Japon en avril 1906 (150 000 morts, 100 000 blessés,
550 000 habitations détruites) avait une magnitude de 8,2.
Rassurez-vous : il n'y a en moyenne qu'un seul séisme
de magnitude supérieure à 6 pour 288 séismes de magnitude 3 à 4. D'ailleurs
notre département (Hérault) n'a quasiment enregistré aucun
séisme significatif depuis plus d'un siècle.
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Terminons par un extrait de l'oeuvre de Lucrèce (Titus
Lucretius Carus) poète latin né à Rome, ayant vécu ente -98 et -55
av. J.-C. et qui exprima dans un immense poème inachevé ses conceptions
sur la vie (proches de celles d'Epicure) et sur les mystères du monde
terrestre. Pour lui, la peur de la mort était une des causes principales
qui entravent le bonheur de l'homme.
Les
tremblements de terre ont aussi leurs raisons
Naturelles. Avant d'en sonder le mystère,
Conçois bien que dessous comme dessus, la terre,
Pleine de vents, de lacs, d'antres, porte en ses flancs
Des vides spacieux et des rochers croulants ;
Des fleuves enfouis sous son vaste dos coulent,
Et ses débris s'en vont en des flots qui les roulent.
De
là ces soubresauts terribles, dont l'émoi
Monte des profondeurs et s'étale en désastres,
Quand des cavernes, l'âge a sapé les pilastres.
Il tombe alors des monts tout entiers ; et rampant
Dans l'ombre, la secousse en tous sens se répand.
Pourquoi non ? L'humble poids, d'un chariot qui passe,
Ne fait-il pas vibrer les maisons et l'espace ?
Et les murs, quand le char court sur l'arène, au pas
Des vigoureux coursiers, ne tressaillent-ils pas,
Secoués par le fer dont la roue est armée ?
Parfois dans une mer souterraine abîmée,
Quelque tranche de terre immense, brusquement,
De vétusté s'affaisse; et, sous le mouvement
Des eaux, le globe ému vacille. Tel un vase
Qu'on emplit se soulève et frémit sur la base,
Tant que le flot qui tombe ondule entre ses bords.
(...) Extrait de " De rerum natura " livre
VI (De la nature des choses.) |

San Francisco en 1906. |
À la prochaine, si nous sommes encore entiers...
Doc Carbur
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