Mis à part pour certains d'entre
nous (que je ne citerai pas pour ne vexer personne), la recherche d'un
aven passe d'abord par l'orientation de la carte vers le Nord. De même,
munis du plan de la cavité, vous utilisez la boussole afin de savoir,
par exemple, vers quelle doline de surface elle se dirige. Mais savons-nous
pour autant ce qu'est le Nord et où il se trouve ? " Tiens,
il nous prend pour des crétins " se disent quelques-uns d'entre
vous ! Que nenni, dans ce qui va suivre vous verrez combien la
notion de Nord peut être relative. Du coup, j'en connais qui seront
rassurés et se diront que, finalement, quand ils le cherchaient au Sud
ou à l'Est, ils n'avaient pas vraiment tort...
- Le Nord Géographique
- Différence entre Nord géographique et Nord magnétique.
Le Nord géographique correspond à un des deux points
sur le globe où passe l'axe de rotation de notre planète. Vous savez
tous, depuis que vous avez vu un globe à l'école primaire, que cet
axe est incliné par rapport à la verticale du plan de l'écliptique
(orbite de la Terre autour du Soleil), cette inclinaison est de 23°
27'. Idem pour le Sud géographique de l'autre côté du globe. Celui-ci
n'est d'ailleurs pas sphérique, mais légèrement aplati aux deux pôles
et donc plus large à l'équateur de 1/298eme! Tout
serait simple si le système solaire ne comprenait qu'une seule planète,
sphérique, totalement homogène et rigide en son sein (comme une boule
de billard par exemple). Alors on pourrait dire que l'orbite est un
cercle et tous les mouvements seraient définis une bonne fois pour
toutes.
Malheureusement pour les amateurs de solutions simplistes,
il y a 9 planètes en tout qui interagissent les unes sur les autres
et perturbent périodiquement leurs orbites respectives. Du coup, la
forme elliptique de notre orbite varie lentement selon divers cycles :
pendant l'Antiquité, au temps d'Hipparque, la saison la plus courte
des quatre était l'automne (alors que c'est aujourd'hui l'hiver) !
De plus, la terre n'est pas homogène mais bel et bien constituée de
couches plus ou moins rigides et plus ou moins fluides. Ces couches
internes fluides sont parcourues par des courants (convection par
exemple) et influencées par la force centrifuge de la rotation (autour
du Soleil) ou de la giration (sur elle-même) etc. Saviez-vous par
exemple que la marée (celle de la Lune que vous connaissez bien) déplace
aussi la croûte terrestre et que le frottement des masses liquides
sur le fond des océans a tendance à ralentir la rotation de la terre
autour de son axe ? C'est pour cette raison que la Lune, sous
l'influence des marées terrestres, nous présente toujours la même
face ; le jour où la terre aura été suffisamment ralentie, les
deux journées lunaire et terrestre auront la même longueur.
- Et le Nord dans tout ça ?
Voilà qui ne nous éloigne pas tant que ça du Nord
géographique car, du fait de ces perturbations, le pôle instantané
ne se trouve jamais exactement à la même place. Il effectue tout d'abord deux
mouvements cycliques et réguliers appelés par les scientifiques :
précession et nutation. Il faut 26000 ans pour que le pôle fasse un
tour de " précession " et 18,6
ans pour un tour de " nutation ",
en fait le Nord géographique se déplace en faisant un mouvement en
forme de ressort à boudin en marche arrière. Et ce n'est pas tout,
le centre de ces deux mouvements du pôle est lui aussi mobile d'une
façon qui semble plutôt aléatoire : on a donné un nom barbare
à ce mouvement, c'est la polhodie. Heureusement ce dernier mouvement
n'est que de quelques centimètres par an...
2. Le Nord Magnétique
Revenons à nos moutons, quand vous utilisez la boussole c'est bien
sûr vers le Nord magnétique que se dirige votre aiguille. Autant le
dire tout de suite, celui-ci n'est pas à la même place que l'autre
et il bouge pas mal aussi. Mieux, il est carrément loufoque !
Figurez-vous que notre Terre se comporte comme une
sorte de dynamo active qui entretient elle-même son courant induit
et non pas comme un vulgaire aimant : vous vous en doutiez un peu,
ç'aurait été trop simple... Il s'agit là d'étudier le magnétisme interne
de la terre, sujet mystérieux et passionnant ! Ce phénomène
profond serait du aux mouvements de convection de masses fluides au
sein du globe qui créent, entretiennent et renforcent des courants
induits. Dans ce milieu conducteur (noyau métallique supposé) ils
engendrent par conséquent un champ magnétique qui est ressenti à la
surface.
- Les variations du pôle magnétique.
Comme on parle de fluides en mouvement, le champ
externe est donc variable dans le temps et dans l'espace. En bref,
le pôle Nord magnétique n'est jamais au même endroit et si l'on peut
constater sa position actuelle (ou passée) précisément et l'analyser,
il semble bien difficile d'en déduire sa position future dans les
siècles ou les millénaires à venir. Il faut donc commencer par évaluer
le champ magnétique et pas seulement sa direction ou déclinaison (comme
le fait une boussole) mais aussi son intensité, son inclinaison vers
le centre de la terre etc. En tout 7 grandeurs sont mesurées très
précisément avec des magnétomètres atomiques à protons. Il faut ajouter
à cette promenade polaire, la variation géographique du champ magnétique.
En effet, des anomalies locales le perturbent. Ce sont les irrégularités
du sous-sol qui en sont la cause : minéraux magnétiques, régions
volcaniques, restes de magnétisme ancien " mémorisé "
dans le sol (un peu comme la lame du tournevis qui s'est aimantée
par contact prolongé avec un aimant), sites archéologiques (restes
de fours et de foyers), failles et cassures du socle granitique, voire
même variation du courant électrique profond interne au noyau terrestre.
Quelles sont donc les variations constatées en un même lieu ?
Tout d'abord des variations quotidiennes appelées pulsations tant
elles sont infimes et aléatoires. Comme elles sont très petites on
les ignore en considérant un champ moyen qui serait constant de jour
en jour. On constate ainsi une variation annuelle beaucoup plus sensible
en intensité qu'en direction. Vient ensuite une variation décennale
(toujours de l'intensité) liée au cycle d'activité solaire de 11 ans
dont vous avez certainement déjà entendu parler. Le champ moyen varie
également de façon séculaire et cette fois c'est la déclinaison qui
change.
Comme vous le constatez en marge des cartes IGN, actuellement cette
déclinaison diminue (de l'Ouest vers l'Est) tous les ans. Mais si
vous avez la curiosité de regarder les cartes de plusieurs années
d'édition différentes, vous verrez que la valeur indiquée n'est pas
la même. En effet, si la déclinaison était (en région parisienne)
de 6' par an en 1888, elle est passée à 4,5' / an en 1902 puis à 11,5'
/ an en 1926 et 5' / an vers 1970 etc. C'est un Anglais Gillebrand
qui le premier, en 1635, constata cette variation. Alors où va le
Nord ? Il apparaît que depuis un siècle il dérive vers l'Ouest
et vers le Nord (sidéral). Incroyable mais vrai : la direction du
Nord a varié de 32° en France entre 1600 et nos jours, de même au
cours d'une vie humaine la boussole peut indiquer des directions ayant
près de 10° d'écart ! ! !
- Et dans un passé plus lointain (paléomagnétisme) ?
Alors là, mes amis, c'est la meilleure : le Nord est passé
plusieurs fois au Sud et inversement au cours des ères géologiques
et ceci, semble-t-il, beaucoup plus au quaternaire qu'au tertiaire
ou au secondaire. C'est l'étude du magnétisme des coulées de lave
(inversions récentes) et des sédiments marins (inversions plus anciennes)
qui a permis de le découvrir. Il semblerait que sur des périodes
courtes de quelques centaines à quelques milliers d'années, le champ
puisse se retourner totalement.
Image extraite de : GLATZMAIER Gary et OLSON
Peter, La géodynamique : une histoire turbulente, in "Pour
la Science" N° 331, 2005
- Conclusion
Nous n'irons pas plus loin pour aujourd'hui et terminerons en
disant à ceux ou celles qui auraient pu penser que le Nord se trouvait
toujours devant eux, même quand ils se retournaient, que finalement
ils étaient (presque) des visionnaires...
Boussole pour ne pas perdre le Nord.
(Voir d'autre
matériel loufoque ?)
Doc Carbur.
POUR EN SAVOIR PLUS :
- GLATZMAIER Gary et OLSON Peter, La géodynamique : une histoire
turbulente, in "Pour la Science" N° 331, 2005
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