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Les cordes : comment tester des cordes ?

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Intitulé du problème soulevé. Messages traités Contributeurs Date
Comment fait-on pour savoir si une corde est encore bonne ?
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2014 - 2017
Page mise à jour le 15-Avr-2023

Avis divers

AVERTISSEMENT : cet article est le récit d'une des activités rituelles et essentielles d'un club spéléo (avant la législation sur les EPI de la fin des années 90).

Il ne s'agit pas pour autant d'un manuel technique officiel et aucune garantie ne peut être apportée quant à sa perfection. Il est simplement le témoignage d'une expérience en matière de sécurité, pour autant d'autres associations de spéléologues procèdent peut-être d'une autre façon. Pour les membres de clubs débutants, nous conseillons la lecture des manuels édités par l'Ecole Française de Spéléologie traitant de la sécurité (vois l'adresse sur le site fédéral).


Quand la sécurité ne tient qu'à un fil...

  1. Objectif du test

    1. Les fabricants de cordes effectuent des séries de tests de solidité, résistance à l’abrasion, à l’étirement, dans le but d’homologuer leurs produits aux normes en vigueur : la dernière en vogue étant la norme CE, mais on connaît aussi les normes UIAA et ISO 9001. Lorsque vous achetez vos cordes elles sont donc sûres, du moins on est en droit de l’espérer !

      Au cours de son utilisation, mais aussi - et on l’oublie parfois - sans être utilisée, une corde va vieillir et s’user. De fait, ses capacités à résister aux chocs vont diminuer plus ou moins rapidement. Le but du test est donc de vérifier que cette corde n’est pas sournoisement et à votre insu, devenue dangereuse à utiliser.

  2. Principe opératoire (pour corde statique)

Il s’agit de faire subir à un morceau prélevé sur la corde une série de chocs violents afin de vérifier par l’expérimentation s’il y résiste ou s’il casse.  

  • Pour cela on coupe généralement un morceau de 2 mètres en bout de corde car il est évident qu’en coupant au milieu, une 100 m deviendrait deux brins de 49 m ce qui serait tout de même gênant ! En prélevant le bout, vous obtenez une corde de 98 mètres, c’est le seul inconvénient incontournable de la méthode : elle raccourcit les nouilles. C’est un bien petit ennui en échange de la sécurité apportée : votre vie vaut bien 2 mètres de corde non ? Nous reparlerons dans la troisième partie de cet article, des limites inhérentes à ce prélèvement en bout de brin.
  • Ensuite, faites un superbe nœud de 8 à chaque bout du brin à tester, et mettez-le à tremper une nuit dans l’eau afin de le fragiliser : l’expérience a prouvé que les cordes humides sont moins résistantes que sèches et sous terre elles sont bien souvent trempées.
  • Munissez-vous du ou des brins à tester, de cordelette de Nylon, de quelques mousquetons à vis en acier et d’un amarrage, d’un cutter, d’un objet lourd et massif pouvant servir de gueuse et d’une astuce pour la soulever (à vous de faire preuve d’imagination). Rendez-vous dans un lieu où vous pourrez accrocher votre fourbi en hauteur (minimum 2,5 mètres).  
  • Au moment du test, on fixe le premier nœud du morceau à tester sur un amarrage solide en hauteur, en le repliant en U de façon à ce que les deux nœuds soient au même niveau. On reproduit ici les conditions d’un choc de facteur 1 qui est le seul acceptable en spéléo où on ne doit jamais se trouver au-dessus de son amarrage. Au nœud libre on fixe une masse d’environ 80 kg qui représente le spéléologue et on maintient le tout par un lien de Nylon assez fin pour être sectionné facilement à la lame de rasoir ou au cutter. Si ce brin est court, il peut être fixé au même amarrage que la corde à tester car le facteur de chute n’en sera que peu modifié. 
  • Quand tout est en place et pend bien, sectionner avec prudence le brin de soutien d’un coup sec : c’est la chute ! Si votre corde est correcte, elle doit pouvoir résister à 3 chocs consécutifs ; l’énergie du premier choc étant absorbée en grande partie par le serrage des deux nœuds de 8. Entre chaque choc il vous faudra remonter la gueuse et remplacer la cordelette de soutien. Si la corde casse : gare au-dessous à ne pas tout recevoir sur les pieds ! Il faudra ensuite remonter la gueuse du sol à l’amarrage et la raccrocher à un autre brin, d’où la nécessité d’un mouflage ou autre astuce pratique pour la hisser (voir plus loin).
  • Une corde cassant au premier ou deuxième choc sera systématiquement éliminée. En cas de rupture au troisième choc, un deuxième test s’imposera dans les mêmes conditions sur un brin prélevé de l’autre côté de la nouille en question. En cas de résultat identique (ou meilleur) cette corde est encore bonne, mais en cas de casse au deuxième choc cette fois, elle devra être écartée à son tour.  
  • De retour au club ou chez soi, faire l’inventaire de ses cordes en éliminant les défaillantes et marquer les nouvelles longueurs sur les autres. Il aura donc fallu au préalable bien noter et différencier les brins à tester afin de ne pas confondre les nouilles entre elles. Il serait dommage et vraiment dangereux de jeter une corde neuve et d’en garder une pourrie ! 
  • Mettez enfin de côté avec la gueuse, les mousquetons et amarrages ayant servi au test. Après ce que vous venez de leur faire subir, vous n’allez tout de même pas les utiliser pour vous y suspendre non ! ? Vous êtes parés pour l’année prochaine, un test annuel est généralement suffisant sauf cas particulier : matériel utilisé à outrance, cordes équipant en fixe une cavité très fréquentée pendant plusieurs mois pour travaux etc.
  1. Le test de cordes en club

  •  Le matériel

Nous n’utilisons que des mousquetons acier parallèle à vis en prenant soin de bien visser la virole ils ont montré leur bon rapport solidité / prix. Par contre si vous oubliez de verrouiller le doigt, ils se déplieront alors sous le choc comme de vulgaires trombones !

Notre gueuse est constituée d’un fût d’acier d’origine militaire aux parois très épaisses, rempli de béton armé et de pierres. Une boucle en tige d’acier prise dans la masse dépasse au dessus pour y fixer le mousqueton du brin à tester, une deuxième boucle est bien utile pour fixer le système de levage. La masse de l’ensemble frôle les 90 kilogrammes.

  • Préparation et déroulement

La veille, nous coupons tous les brins de corde et faisons les nœuds. Ces morceaux portent tous l'anneau de cuivre qui marque les cordes (date d'achat, longueur) ce qui permet de les identifier. Les cordes privées de leur bout sont ensuite raccrochées sous l'étiquette indiquant leur longueur, pendant que les brins sont trempés dans un grand récipient plein d'eau. Enfin de nombreuses petites boucles de Nylon de 2 mm de diamètre et d'environ 20 cm de long sont nouées : ce sont elles qui soutiendront la gueuse pendant les quelques secondes qui précéderont la chute.

Le matin du jour "J", toute l'équipe au grand complet se donne rendez-vous sous le petit pont de l'ancienne ligne de chemin de fer qui reliait au début du siècle Montarnaud à Aniane. Alors que le responsable matos est allé chercher les morceaux de corde et le matériel indispensable, les autres commencent à s'équiper pour la journée : barbecue et bois sec, terrain de jeu de ballon, nattes et chaises longues sous les arbres, vin et grillades au frais dans les glacières : c'est qu'on ne déplace pas une équipe de dix ou quinze personnes sans une logistique impeccable !

A l'arrivée du véhicule contenant la gueuse (généralement le 4/4 muni d'un attelage de Domi) toute la joyeuse équipe hurle au scandale : on est déjà en retard, comment fera-t-on pour faire une "soûle" et une sieste si on commence à une heure pareille ! Ah il est loin le temps où les anciens du club attaquaient le test à 8 heures pétantes...

Bon an mal an, en une demi-heure la zone est équipée aux normes CE et le pont a pris l'allure d'un laboratoire de test de chez Petzl au grand étonnement des promeneurs. Le 4/4 est en place dos au pont avec une corde reliée à la gueuse, cette corde passe par une poulie fixée au spit en place sur le pont. Les contremaîtres sont en position au sommet avec les brins à tester, les boucles de Nylon et une grande réserve d'énergie bien dissimulée (voir photos). Une échelle ou une corde pend de la rambarde pour y placer presque confortablement le chef d'orchestre : l'ensemble est maintenant opérationnel.

La plupart du temps la manœuvre consiste alors simplement à remonter la gueuse sur 1 mètre, accrocher le morceau à tester et la boucle de soutien, redescendre la gueuse avec précaution, la décrocher de la corde de traction (faudrait pas qu'on arrache le crochet de l'attelage en cas de rupture du brin..), un coup de cutter et le choc qui s'en suit. On recommence trois fois avant de changer le brin de test et de passer à la corde suivante. Les essais vont se succéder avec parfois quelques variantes quand la corde explose d'un coup sec et que la gueuse atterrit violemment au sol par exemple.

Le plus difficile est toujours de s'y remettre après la pause de midi au cours de laquelle les estomacs se sont généralement approchés du poids et du volume de la gueuse. Les "Coteaux du Languedoc", "Corbières" et autres "Costières du Gard" aidant, c'est avec une joie non contenue que le test reprend à l'heure des braves (après la sieste) pour se terminer en fin d'après-midi avec le dernier petit bout de nouille.

Si vous croyez que la journée va finir comme ça vous faites erreur. Tristes de devoir nous séparer si tôt et pour repousser cet instant hélas inévitable, il se trouvera toujours quelqu'un pour dénicher une idée géniale (désob, séance diapo, restau + boîte, ciné...) qui risque de nous mener tard dans la nuit jusqu'au moment où, au bout du rouleau, nous nous promettrons bien de recommencer l'année prochaine.

  • Constats et recommandations

Voici quelques constats qui peuvent être tirés de notre expérience en matière de test de cordes depuis des années.

Tout d'abord il semble que la fiabilité de la procédure soit bonne car la marge de sécurité est importante. En effet, le choc d'une masse compacte de béton et d'acier reliée directement à un morceau de corde d'un mètre de long en facteur 1 est beaucoup plus violent que celui que subirait la corde en cas de rupture d'un amarrage dans un puits. Dans ce cas de figure, la masse même si elle peut dépasser le quintal, est celle d'un spéléologue dans son baudrier relié à la corde par l'intermédiaire d'une longe dynamique. Une partie non négligeable de l'énergie du choc sera alors absorbée par la masse musculaire du corps, le harnais, les longes, mais également par l'éventuel mou de la partie de corde située au dessus de l'amarrage défaillant. On peut douter également que la même corde ait à subir trois chocs successifs de facteur 1 le même jour et au même endroit. Tous ceux qui ont eu la désagréable surprise de faire un "vol" suite à la rupture brutale d'un amarrage savent bien qu'on prend généralement toutes les précautions possibles afin d'éviter que cela se renouvelle avec le collègue qui vous suit.

  • Résultats des tests

Voici maintenant les résultats de plusieurs séries de tests : 

La cordelette, même neuve, de 8 mm n'y résiste pas : à proscrire.

La corde de 9 mm résiste mal sauf quand elle est neuve : à utiliser avec précautions (voir homologation).

Des cordes récupérées au fond des vasques au cours de séances de canyon, bien que dynamiques et d'aspect extérieur correct, ont cassé au premier choc : méfiez-vous du matos qui ne vous appartient pas et qui a traîné n'importe où.

Les sangles plates cassent d'autant plus facilement qu'elles ont été mal nouées (nœud de sangle correct mais corps de la sangle effectuant un demi-tour). Il semble que les fibres de Nylon se brisent sous le choc au niveau où la sangle effectue le demi-tour : veillez à bien nouer les sangles à plat. NB : Les sangles plates n'étant pas datées, nous les remplaçons systématiquement toutes en cas de rupture d'une d'entre elles au cours du test.

Une corde de 11 mm absolument neuve, correctement stockée au frais et à l'ombre durant 15 ans a cassé au deuxième choc : la corde non utilisée vieillit lentement.

Des tas de cordes à l'aspect médiocre (gaine échauffée ou légèrement usée par endroit, corde très teintée d'argile et très raide etc.) ont passé brillamment le test : ne vous fiez pas à l'aspect d'une corde, seuls la connaissance de la corde, de son utilisation et surtout le test, vous diront ce qu'elle a dans le ventre.
      4. Le rôle du responsable matériel

Au sein d'un club, le responsable matériel devra veiller à ce que les cordes qui lui sont ramenées soient correctement lavées et lovées : c'est le minimum à exiger pour améliorer leur longévité. Il pourra aussi décider de la nécessité d'un test supplémentaires pour un lot de corde qu'il soupçonne d'avoir souffert. Grâce à une identification correcte des cordes par marquage il permettra aussi une plus grande fiabilité du test. Mais c'est avant tout sur la responsabilité personnelle de chaque utilisateur qu'il faut insister.

       5. Responsabilité des utilisateurs

C’est grâce à la vigilance de tous que le test qui, rappelons-le, n’est effectué que sur une extrémité de la corde, peut être valide. En effet, seuls les utilisateurs sont à même de déceler une quelconque défectuosité quelque part sur sa longueur. Aucun test ne pourra vous enseigner sur un éventuel défaut qui pourrait traîtreusement se dissimuler ailleurs que sur le brin testé : le test n’évalue que l’usure globale. Laver une corde qui est pleine de glaise avant de la plier correctement pour la ranger n'est pas simplement une opération esthétique. Au cours du lavage, les fibres de l'âme de la corde seront débarrassées des minuscules particules abrasives qui, à la longue, diminueront la résistance de celle-ci. Ce n'est pas le seul avantage : au cours de la manipulation minutieuse exigée par ces opérations, l'utilisateur peut apercevoir les éventuels défauts d'une corde qui aurait été abîmée à son insu (frottement tranchant, chute de pierre...). Il peut alors prendre les mesures nécessaires pour sa sécurité en coupant s'il le faut la corde en deux tronçons sains au niveau de la zone douteuse.

 

 

Compléments d'information

Illustrations

Cliquer sur les vignettes pour agrandir les photos.

Gueuse en place

Photo 1
La gueuse est en place,
prête à monter et les
contremaîtres admirent.

Accrochage du brin

Photo 2
Accrochage du brin
à tester. Contremaîtres
toujours vigilants.

Section du brin

Photo 3
Section du brin de nylon.
Mais où sont donc
les contremaîtres ?

Test réussi

Photo 4
Test réussi : remarquez
l'allongement du brin.
Contremaîtres satisfaits !

Quoi qu'il en soit, la prévention est la meilleure des armes contre l'usure. Rien ne vaut donc quelques conseils élémentaires de prudence : 

 

    • NE PAS MARCHER SUR LES CORDES,
    • NE PAS LES LAISSER TRAÎNER AU SOL,
    • ÉQUIPER EN ÉVITANT LES FROTTEMENTS,
    • STOCKER LES CORDES Á L'OMBRE, AU FRAIS ET LOIN DE TOUT PRODUIT CHIMIQUE,
    • LES LAVER Á L'EAU CLAIRE APRÈS CHAQUE UTILISATION,
    • LOVER LES CORDES AVEC ATTENTION,
    • LES TESTER RÉGULIÈREMENT,

     

    • RESPECTER LA DATE DE PÉREMPTION FOURNIE PAR LE FABRICANT. Depuis les derniers changements de réglementation, c'est la date d'achat de la corde qui sert de référence en cas de contrôle des matériels collectifs au sein des clubs. Pour connaître cette date, il est nécessaire de conserver les factures; mais en cas de doute ou de perte de ce document il est toujours possible de connaître l'âge de la corde grâce à un système de codage permettant de retrouver son millésime de fabrication. COMMENT CONNAÎTRE L'ÂGE DE LA CORDE GRÂCE AU CODAGE ?

Un article de Jo Marbach paru dans "Spéléo" N° 39 en octobre 2001, certes ancien mais encore utile. Merci Eric pour cette archive.

/ Une version complète en pdf / La première page en fichier image / La seconde page en fichier image /

Voir aussi le test de 2003

 

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