Dimanche dernier je suis allé, avec mon épouse, faire
un petit tour sur le Causse Noir au dessus de Millau au Rassemblement
des Spéléos Caussenards. Arrivé tard, j'ai malgré tout pu rencontrer
un certain nombre de collègues sympathiques et faire quelques emplettes
qui ont rendu le voyage plus onéreux que prévu, mais quand on aime
on ne compte pas, c'est bien connu...
Au détour d'un mur de pierres sèches je croise un gars que je connais
sans pour autant faire le lien immédiatement. Après quelques secondes
de flottement, nous déclenchons ensemble : Moi Domi, toi
Speedy ! ! ! C'est un des animateurs qui avaient encadrés
mon CM1/CM2 il y a trois ans quand j'avais emmené toute cette petite
troupe en classe noire spéléo dans le Tarn. Nous revoilà
à parler de ces quelques jours : ils ont laissé un souvenir impérissable
à tous mes élèves qui au collège en parlent encore. Sacré moment d'émotion,
plongée intérieure ludique et émouvante où tous ont été émerveillés
par ce monde inconnu et fascinant. Qui sait, peut-être que dans quelques
années je retrouverai l'un d'entre eux au Club. C'est alors que Speedy
m'explique que leur groupe (O.U.R.S à Carmaux) ne fait plus ce genre
d'activité car, depuis, il est devenu indispensable d'avoir un Brevet
d'état Sportif pour obtenir l'autorisation d'encadrer ces classes
de découvertes. Ils ne disposaient que d'un brevet d'initiateur FFS
et ont donc été éliminés ipso facto. Mais que veulent-ils faire de
nous qui n'avons même pas choisi de nous glisser (ou si peu) dans
le moule des formations qualifiantes de l'EFS ou de l'état ?
Le souvenir des sorties effectuées au cours de cette semaine avec
mes élèves remonte tout doucement à la surface pendant que le beau
soleil de l'été indien caussenard me berce avec douceur. Les visages
rayonnants des enfants couverts de boue et heureux, leurs rires, les
pitreries de Speedy , l'orage qui nous trempa sur le chemin
du retour, le repas pris sous terre dans un calme presque recueilli,
le passage minutieux de la vire, le puits où chacun a surmonté sa
peur pour aller encore plus bas comme l'aurait fait un héros de Jules
Verne. Mais aussi, la cavité aux parois noircies des milliers de lumignons
fumants de tous ces casques qui s'y succèdent régulièrement, l'absence
de blancheur, de concrétionnement d'exception, ce puits que les yeux
du spéléo devinent fatigué, las de tout ce mouvement : un puits
cage d'ascenseur...
Les cavités destinées aux centres de vacances et de loisirs (C.V.L.),
ont un véritable rôle pédagogique à jouer pour peu qu'elles soient
exploitées par des animateurs compétents, pédagogues et surtout
spéléologues. Ce sont aussi, malheureusement, des cavités sacrifiées
qui après quelques années ne sont plus que des coquilles vides et
mornes. Cela n'a pas une grande importance pour le souvenir qu'en
garderont les jeunes enfants, si c'est à eux que l'on s'adresse. Ils
ressentent plus qu'ils ne constatent et s'imprègnent de l'ambiance
du lieu en le regardant avec les yeux de l'imaginaire. Perdre
quelques lieux souterrains pour eux et avec comme objectif l'éducation
des générations montantes à la fragilité de la nature, peut paraître
justifié. Par contre si le rôle des cavités C.V.L. est de rentabiliser
l'activité spéléo en y amenant le plus grand nombre de personnes,
jeunes et adultes confondus, dans un même élan de consommation :
faire du ski bis , alors ça ne vaut pas même d'y sacrifier
un centimètre cube de calcite.
Le nombre des cavités C.V.L. doit être réduit au
strict minimum indispensable en fonction des nécessités de découverte
des plus jeunes. Faudra-t-il veiller à ce que les cavités que nous
découvrons au fil des ans ne deviennent pas des boulevards de la grande
distribution sportivo-touristique ? Je ne suis pas loin de le
croire.
Erdé
|