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Le blog du Niphargus déchaîné ET SI UN BEAU MATIN… |
Et si, un beau matin, la virtualité qui grignote lentement notre espace de vie quotidien disparaissait, contaminée par un fléau bien pire que les spams, les virus, les vers et les chevaux de Troie réunis : la dèche ! Si les habitants de notre monde moderne et surbooké rejoignaient les millions d’êtres humains qui n’ont jamais vu la queue d’une souris informatique ou le clavier d‘un téléphone portable ? Si nous n’avions plus assez d’argent pour acheter toute cette merveilleuse technologie de pointe, fabriquée hier encore par des Chinois exploités et sous-payés ? Si les fournisseurs d’accès, eux-mêmes en faillite, débranchaient les serveurs désormais inutiles, que resterait-il donc de ces milliards de pages qui virevoltent actuellement tout au long des lignes téléphoniques, des faisceaux de fibres optiques ou des fréquences hertziennes ? Des millions de pages de pub destinées à nous vendre tout et n’importe quoi, surtout ce dont on n’a pas besoin, s’éteindraient et ça ne nous ferait pas grand mal. La fermeture de tous les sites pornos attristerait certainement pas mal de monde, mais je fais confiance à l’homme pour y remédier rapidement. Que les films et les disques ne soient plus téléchargeables ravirait un temps les producteurs avant qu’ils ne s’aperçoivent que, sans argent, personne n’achète plus leurs nullités tout juste bonnes à êtres suspendues dans les cerisiers. Pour consulter la météo il faudrait à nouveau observer le ciel et regarder le baromètre poussiéreux oublié dans le hall depuis 25 ans. Pour avoir des infos fiables on devrait réinventer la liberté de la presse. Pour parler avec ses voisins il faudrait rouvrir sa porte au lieu d’envoyer mails ou SMS. Impossible de faire connaître au monde entier nos idées évidemment inédites et géniales, notre binette radieuse, la photo du 4x4 ou celle du chien. Impossible de passer des heures avec des amis à ne discuter que du dernier virus ou des performances du prochain processeur forcément top-secret. Probablement que quelques universitaires, les hyènes du CAC 40, les flics et les militaires continueraient encore longtemps à faire joujou avec leurs machines, mais nous, pauvres citoyens sans le sou que nous resterait-il ? Tiens, prenons un exemple concret pour illustrer ce récit d’anticipation : imaginons ce qu’il adviendrait des spéléos sans les réseaux virtuels ? Tout d’abord nous devrions tous tripler la taille de nos boites aux lettres en élargissant au burin et au chlorate les trous des murs dans lesquelles elles sont coincées : en effet Nathan serait obligé de nous envoyer tous les jours ses blagues blondes, topos, dessins, croquis, photos-montages, récits d’explo et vidéos Hortusiens par Chronopost dans d’énormes enveloppes kraft, voire en Colissimo. Il finirait d’ailleurs ruiné après avoir claqué ses derniers centimes en frais postaux et se jetterait désespéré, avec un groupe électrogène attaché autour du cou, dans l’aven des Triops. Afin de connaître la tête des membres du club, il nous faudrait coller le trombinoscope de Francis au mur de nos chambres pour le réviser tous les soirs avant de nous endormir et en garder en permanence un exemplaire plié dans nos portefeuilles au cas où. On éviterait ainsi de passer pour des crétins en découvrant un nouveau venu 15 ans après son inscription ! Étant tous bien incapables de convertir à la main les coordonnées UTM en Lambert 3 ou NTF en WGS84, nous serions obligés de nous mettre d’accord une bonne fois pour toutes sur le meilleur système de pointage. Donc, après plusieurs semaines de débat houleux, de sarcasmes, d’insultes, de batailles rangées et d’âpres combats, il serait enfin possible de donner rendez-vous aux copains au bord d’un trou sans qu’ils aillent se perdre dix kilomètres plus loin. Les courriers arrivant à nouveau à leurs destinataires au lieu de tomber dans la boîte aux lettres de n’importe qui, il serait beaucoup plus difficile de connaître les petits secrets des uns et des autres et griller la première du voisin au cours du week-end deviendrait une vraie prouesse digne de Mata Hari. Au bord des trous, le spéléo devenu désormais injoignable, n’aurait plus le plaisir intense de répondre au téléphone pour connaître les nouvelles fraîches de sa belle-mère, la liste des courses à faire avant de rentrer à la maison, la température proche de l’ébullition du petit dernier cloué au lit par la varicelle ou le ramollissement du bébé qui imposent de déposer immédiatement la combi pour retourner d’urgence à la maison constater que tout va pour le mieux. Un autre, toujours privé de communications, pourrait s’arrêter au troquet du coin en revenant de spéléo sans craindre qu’une andouille rentrée plus tôt et sans passer par la case apéro, téléphone chez lui pour demander s’il est bien arrivé et tombe sur sa femme : « Non, il n’est pas encore là ? Ah bon, depuis déjà quatre heures qu’on a quitté le trou ! Euh finalement il doit être chez sa mère, en réfléchissant je crois bien qu’il me l’avait dit, désolé j’avais oublié ; bon … ben … je rappellerai demain…» Le webmaster arrêterait d’ajouter des pages Web à SOUTERWEB pour qu’il enfle démesurément, de glaner tous les ragots pour SPÉLÉO INFOS MONDIALES, d’inscrire et de désinscrire sans arrêt des gens à la liste de diffusion du club et aurait enfin du temps pour faire de la spéléo. Savent pas la chance qu’ils ont les pauvres ! Heureusement y’en a de plus en plus… Rabachol |
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