Sur les 5.5 milliards de petites fourmis que nous sommes sur terre,
quelques centaines de millions à peine peuvent prétendre jouir d'un
peu de liberté. Je passe rapidement sur le sujet de philo mille fois
rebattu par les potaches de terminale "Qu'est-ce que la liberté,
existe-t-elle ?" pour souligner simplement que cette denrée
rare est bien difficile à entretenir et à conserver. D'ailleurs, une
fois disparue, elle ne repousse qu'avec beaucoup de difficulté. Quand
des millions d'enfants n'ont même pas la liberté de se nourrir à leur
faim et pendant que des millions d'hommes et de femmes se font couper
en rondelles parce qu'ils pensent trop, il semble bien mesquin et
égoïste de s'apitoyer sur nos petites personnes.
Et pourtant, bien pelotonnés dans notre confort douillet, nous nous
imaginons que la liberté de penser, de nous organiser, de nous réunir,
de râler, de critiquer, de rire et de se moquer est une chose innée,
indestructible et aussi naturelle que de respirer. Ne nous leurrons
pas, tous les espaces de liberté, si infimes soient-ils, ont été conquis
de haute lutte et sont en danger permanent si nous oublions de les
entretenir. MAIS OÙ VEUT-IL DONC EN VENIR ?!! se
disent déjà les impatients et les curieux (Qu'est-ce qu'il nous emmerde !
se disent les autres...).
Tous autant que nous sommes (ou du moins, restons modestes, une partie
d'entre nous) avons choisi la spéléo, entre toutes les activités possibles
et imaginables, pour un tas de raisons variées. J'ai l'outrecuidance
de penser que l'esprit de liberté qui a soufflé longtemps sur
la spéléo et cette sensation de dépassement de la monotone existence
quotidienne y sont pour quelque chose. Quand au bord de l'abîme vous
vous préparez à attaquer la plongée obscure, vous ressentez, j'en
suis certain, cette agréable impression de liberté. Quel orgueil !
Au moment d'entreprendre la découverte d'une cavité qui s'offre à
un être humain pour la première fois depuis sa création, avouons que
la sensation d'être, un petit peu plus que d'ordinaire, maître de
soi et du monde, nous titille. Quelle vanité !
Dans ces moments-là, terminés les règlement, assurance, fédération,
permis à points, tampon ou carte : on se sentirait plus oiseau
que fourmi, plus renard que brebis. Malheureusement, depuis quelques
temps déjà on voit le vent changer (loi sur les associations, conventions
diverses). Des vautours tournent autour de notre petit îlot de liberté
illusoire et fragile. Les plongeurs, les grimpeurs ont déjà vu la
loi et l'organisation mettre de l'ordre et de la compétition dans
leur discipline. Bien avant eux, au début du siècle, les aéronautes
de pionniers un peu fous à qui on rogna les ailes, devinrent bien
vite des pilotes galonnés revêtus d'uniformes.
Si un point commun nous anime, je crois pouvoir dire que c'est un
peu cet amour de la liberté, cette indépendance d'idées que l'on voudrait
sauvegarder. Paradoxalement, nous devons nécessairement nous organiser
et parfois même réglementer un peu, dans un souci de sécurité mais
surtout afin que chacun se sente responsable et donc libre de ses
actes.
Profitez bien des jours présents, certains disent que la diminution
des libertés est dans l'ordre des choses (POUAHHH), personnellement
je préfère plagier un canard bien connu et dire que la
liberté ne s'use que quand on ne s'en sert pas.
Rabachol
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