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À la recherche
du « mange caillou ardéchois »
Petit, on a tous eu peur du noir. Ne pas savoir ce qui pourrait en
sortir, ou nous surprendre sans le voir, nous a plus d'une fois empêché
de fermer les yeux. Pas sûr qu'avec l'âge cette hantise
ait disparu tant de mauvaises pensées s'installent dès
que l'horizon tend à disparaître sous la pierre. On raconte
même qu'un monstre, "le mange caillou" rôderait
le long des galeries souterraines. C'est en tout cas ce que dit Linda,
la monitrice.
Ici, c'est un autre monde. Façonné par le calcaire,
recouvert par l'argile. Quelques gouttes d'eau, accrochées
aux parois rugueuses ou aux concrétions, viennent parfois s'écraser
sur les casques ou sur le nez. De toute notre traversée, ce
seront les seuls signes d'une quelconque activité dans la grotte
de Peyroche. Un nom bien choisi que celui-ci : "pays de la roche".
Dans les environs secs et rocailleux de Saint-Alban-Auriolles, en
plein coeur du pays des Vans. Une fourmilière parmi de nombreuses
autres.
On n'est pas si mal ici, à vrai dire. Si la lumière
est bannie des lieux, la chaleur elle aussi est restée à
la porte. « L'avantage des grottes ardéchoises, a dit
Linda avant d'entrer, c'est leur température. 14° Celsius
en été comme en hiver ». Le climat idéal
pour crapahuter sans tremper sa chemise.
Au total, 300 mètres de galeries s'étendent sous nos
pieds. Aux murs taillés par érosion ou, plus inquiétant,
par effondrement. « Comprendre comment les cavités se
sont formées permet de mieux anticiper sur la suite »,
explique Linda, combinaison rouge, le visage blanchi par les lampes
frontales des autres. « Là, on va sur un P18 ».
Quelques mètres plus bas, la roche laisse effectivement place
au vide : un « puits de 18 mètres » aux murs irréguliers.
La monitrice reste en haut, et guide les débutants en rappel.
Les premiers descendus patientent, leur lampe jouant les éclaireurs.
C'est sous leurs assauts que les murs révèlent leurs
nuances. Une en particulier. Blanc au haut, gris sale en bas. Le calcaire
a même viré au marron en certains endroits. Curieuse
à tendance baladeuse, la main de l'homme est semble-t-il passée
par là. Reste le plafond de la cathédrale, intact, à
peine souillé par les fumées des lampes à essence
de précédents visiteurs.
Cavernicoles. On a de la spéléologie une image lointaine,
le plus souvent effrayante, pour ne pas dire claustrophobe. Cliché
réducteur. Bien encadré, l'exercice est drôlement
physique, étonnamment gratifiant, jamais effrayant. A part
peut-être ces fissures en apparence inaccessibles, où
ces longs boyaux étroits et sinueux où la question,
fatidique, se pose à tous : « et si je restais coincé
? ». Trois-quatre contorsions plus tard, c'est oublié.
Le dos courbé, tout le petit monde s'accomplit rapidement en
créatures des profondeurs. Linda les appelle « cavernicoles
». Des animaux aveugles à la peau dépigmentée.
Mais sans museau ni queue à nous montrer, les véritables
habitants de l'obscurité resteront, comme le "mange caillou",
de l'ordre du mystère.
De minuscule en démesure, la grotte n'offre ses dernières
merveilles qu'à ceux qui le méritent. Que ce soient
ses draperies de calcaire façonnées par des siècles
d'un travail minutieux ou ses voûtes arrondies par l'érosion,
le plaisir visuel se gagne à la force des bras, encore et encore.
Et c'est en s'écorchant le bout du nez une ultime fois qu'on
se faufile dans le défilé des Egyptiens, dernier rempart
à la lumière. Rien d'insurmontable. Pour qui n'a pas
attrapé peur du jour.
Tél. 04 75 94 98 68 www.ceven-inscriptions.com
Romain GOULOUMÈS
Céven' Aventure Passion, base d'activités de pleine
nature en Ardèche Méridionale - Les Assions |