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Pourquoi parler des chauves-souris
? 

La chauve-souris étonne, fascine ou effraie. Elle est depuis
un demi siècle en forte diminution et fait partie des animaux
protégés. De nombreux périls la guettent.
Il y eut d'abord l'ignorance humaine qui la fit passer pour un
monstre qu'il fallait détruire, alors qu'elle est en Europe
totalement inoffensive (sauf ponctuellement en cas d'épidémie
de rage). Même le fameux vampire, qui a donné son
nom au fabuleux personnage qui hante depuis des décennies
les écrans des salles obscures, ne suce guère que
le sang des plaies d'animaux de ferme et, même si c'est
fort gênant pour les éleveurs, cela n'entraîne
pas la mort de l'animal en quelques secondes comme on pourrait
le croire. Ni d'ailleurs sa résurrection sous forme de
zombie assoiffé de sang humain ! Mais depuis ces dernières
décennies, ce n'est pas tant parce qu'elle est chassée
et tuée volontairement, que la chauve-souris disparaît
de nos contrées. Les populations de chiroptères
(l'autre nom pour chauves-souris) sont confrontées à
deux pénuries : celle de nourriture saine et celle du logement.
La diminution des surfaces non urbanisées fait diminuer
les aires de calme et de refuges où certaines espèces
pouvaient survivre, d'autres ont été attirées
par les villes où elles rencontrent plus de nourriture
car les insectes y volent la nuit concentrés autour des
lampadaires. Mais la vie à la ville est dangereuse pour
ce petit mammifère, il faut y nicher sous les toits, éviter
les véhicules et les chats, dormir derrières les
volets roulants des immeubles administratifs d'où on les
chasse parfois impitoyablement pour cause de grand nettoyage...
Et en zone rurale ce n'est pas mieux : à l'intérieur
des terres les agriculteurs utilisent bien souvent des pesticides
pour détruire les insectes qui grignotent les récoltes,
malheureusement nos amies les chauves-souris voient ainsi leur
nourriture se raréfier ou parfois même les empoisonner.
De plus, de nombreuses haies ont été détruites
pour améliorer les rendements agricoles et faciliter le
passage des machines. Près du littoral, ce n'est pas mieux
: pendant de nombreuses années les collectivités
territoriales ont fait la chasse aux moustiques. Cet ennemi du
touriste, qui leur servait de nourriture, a presque disparu pour
le plus grand bonheur de tous, ou presque...
Quant à leur habitat il a vu en quelques dizaines d'années
se transformer les belles charpentes de chêne massif en
toitures de béton inaccessibles ou, pire, en charpentes
de bois traitées contre les capricornes et les termites
avec des produits qui ont exterminé des milliers de chauves-souris.
Ailleurs encore, ce sont d'immenses galeries de mines ou carrières
désaffectées et colonisées depuis leur abandon
par les chauves-souris qui sont fermées brutalement (explosion
des entrées, béton) pour éviter les risques
encourus par les promeneurs imprudents. Parfois aussi l'aménagement
touristique de cavités souterraines a chassé des
colonies de chiroptères qui y avaient élu domicile.
- Pourquoi une chauve-souris sur les
logos spéléos?
Nous sommes des passionnés du monde
souterrain et à ce titre nous avons à assumer
notre part de responsabilité dans les difficultés
de survie de l'espèce. Certaines cavernes ont abrité
ou abritent encore des colonies de nidification de chauves-souris.
Nous croisons parfois sous terre des chiroptères endormis
accrochés aux voûtes et venus là se reposer
avant de repartir en chasse à la nuit tombée.
Nous avons les moyens de faire connaître à tous
notre connaissance du milieu souterrain et de la faune qui l'habite,
nous avons aussi le devoir de faire notre possible pour respecter
ce petit animal sympathique et ne pas aggraver sa condition
déjà précaire. Il ne suffit pas d'en faire
un symbole et de l'oublier ensuite.
Bien des choses peu aimables ont été dites sur
les spéléologues assimilés parfois un peu
vite aux touristes qui fréquentent le milieu souterrain
et sur leur responsabilité dans la disparition des chauves-souris.
Nous nous situons très fermement dans la première
catégorie des spéléologues non professionnels
et, bien que notre activité soit avant tout un loisir,
nous revendiquons haut et fort la part scientifique de la spéléologie
de nos illustres précurseurs. Ici, la surfréquentation
de certaines cavités a pu nuire à certaines colonies
de chiroptères, là ce sont les spéléos
qui ont signalé les refuges naturels à protéger.
Bien souvent amoureux de la nature et de ses mystères,
les spéléologues amateurs éclairés
(c'est la moindre des choses) ne sont pas insensibles à
la dégradation du patrimoine souterrain et nous souhaitons
le dire haut et fort.
- Mieux connaître les
chauves-souris pour mieux les protéger.
Si on ne sait rien de la vie des chauves-souris, il
est impossible de les protéger efficacement. On ne peut pas
aimer ce que l'on ne connaît pas ou mal. Voici donc quelques
éléments de base qu'il sera bien sûr utile de
compléter par des lectures plus approfondies.
3.1 La famille
des chiroptères
Voilà un ordre (groupe du vivant) de mammifères
très singulier : ce sont les seuls mammifères volants
et, comme ce ne sont pas des oiseaux, ils ne volent pas avec leurs
ailes mais avec leurs mains ! Le mot savant "chiroptère"
a remplacé l'ancien mot latin "vespertilio". Chiroptère
est le condensé francisé de deux mots grecs "kheir"
qui signifie "main" et "pteron" qui signifie "aile".
C'est bien avec les doigts de sa main reliés par une peau,
que vole la chauve-souris. A ce sujet, vous n'avez jamais trouvé
bizarre que l'on appelle "chauve-souris" un animal qui ,certes
a parfois un minois de raton, mais qui est toujours très poilu
?
Quelqu'un cannait-il la réponse à cette énigme
dans la salle ? Oui, madame nous vous écoutons. Bravo, c'est
la bonne réponse, vous pouvez vous raccrocher au plafond !
Trêve de plaisanterie : "chauve-souris" est tout simplement
une monumentale erreur de traduction. Au cours du haut moyen-âge
on appelait donc ces bébêtes "vespertilio",
mais ce latin populaire du nord de la Gaule s'est peu à peu
transformé. La langue a évolué et s'est mêlée
au Francique : dans cette langue on désignait ces animaux par
le terme de "kawa sorix" qui signifie "chouette souris".
C'est-y pas chouette comme comparaison ? Une souris qui sort la nuit,
comme les hiboux, ne peut être qu'une "Chouette souris".
Puis la langue a encore évolué, "kawa sorix"
est devenu par le biais d'une traduction de quelqu'un certainement
bien peu observateur ou ne connaissant pas le francique "calvas
sorices" et donc "chauve-souris". Pauvre bête,
affublée depuis le VIII eme siècle d'un nom qui lui
sied si mal !!!
ORDRE |
SOUS-ORDRES |
FAMILLES |
GENRES
et ESPÈCES |
CHIROPTERES |
Mégachiroptères |
1
Famille :
les Pteropidés |
500 espèces environ regroupées en plusieurs
genres comme :
les Pteropus
les Roussettes
les Vampires etc. |
Microchiroptères |
15
Familles :
Rhinolophidés
Vespertilionidés
Molossidés
Phyllostomidés etc. |
500
espèces environ regroupées en plusieurs genres
comme :
les Rhinolophes
les Murins
les Oreillards
les Pipistrelles
les Sérotines etc. |
3.2 Différentes
chauves-souris 
ANATOMIE
et PHYSIOLOGIE :
La chauves-souris est un mammifère bien adapté au
vol. Ses membres antérieurs (bras et mains) ont évolué
en s'allongeant pour donner, grâce à la membrane
qui les réunit (patagium) une sorte d'aile. Leur envergure
varie selon les espèces de 10 à 170 cm et leur pouce
est muni d'une griffe. Leur corps est généralement
couvert de poils, leur denture est semblable à celle des
insectivores avec quelques variantes chez les vampires par exemple
où les incisives sont en forme de gouge.
Leur patagium réunit les membres antérieurs aux
membres postérieurs dont les pattes griffues disposent
de ligaments qui se bloquent dans leur gaine sous la traction
du poids de l'animal et leur permet ainsi de rester suspendues
la tête en bas sans effort. Certaines seulement ont une
queue, mais toutes ont un appareil auditif extrêmement bien
développé et adapté à la perception
des ultrasons.
ÉCHOLOCATION :
Plutôt qu'une mauvaise vulgarisation sur les capacités
des chauves-souris à emmettre et à recevoir les
ultrasons pour se diriger et chasser, il serait plus intéressant
de lire l'article publié dans
"Pour la Science"en 2002 dans le dossier N°32
et consacré à ce thème. (fichier Word zipé
de 900 Ko environ). Pour consulter uniquement le texte de l'article,
sans les illustrations : CLIQUEZ ICI
(fichier de 16 Ko uniquement).
DOCUMENTS :
Trois pages de SOUTERWEB pour mieux connaître quelques chauves-souris
bien de chez nous :
3.3 Vie et moeurs
des chauves-souris
Sur le globe terrestre, les
chiroptères se nourrissent de façon extrêmement variée. En Europe
les chauves-souris sont essentiellement insectivores. Une chauve-souris
insectivore, peut avaler en une nuit jusqu'à un tiers de son propre
poids en insectes divers : soit pour une noctule commune, par
exemple, 10 g ou 1000 insectes par nuit. Voilà un moyen extrêmement
efficace et non polluant pour se débarrasser de toutes les petites
bébêtes que nous détestons tant, à commencer par les moustiques
! Ailleurs de par le monde, on peut rencontrer des chauves-souris
qui se nourrissent de fruits, de pollen ou de nectar floral, de
petits batraciens , de poissons et même de sang (avec les fameux
vampires). Si certains chiroptères sont nuisibles dans quelques
régions du monde (vampires qui blessent le bétail en Amérique
du Sud ou chauves-souris frugivores d'Asie qui abîment les vergers),
toutes les chauves-souris Européennes sont non seulement inoffensives
mais également écologiquement très utiles.
JAN. |
FEV. |
MAR. |
AVR. |
MAI |
JUIN |
JUIL. |
AOÛT |
SEP. |
OCT. |
NOV. |
DEC. |
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|
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Calendrier
type pour une chauve-souris insectivore européenne. |
Dans le calendrier ci-dessus, les périodes rouges sont celles
qui sont les plus sensibles pour les chiroptères et au cours
desquelles il est vital de ne les déranger sous aucun prétexte.
Si une cavité contient des chauves-souris en quantité
non négligeable en été ou en hiver, il faut
éviter absolument ces deux saisons et essayer de n'effectuer
d'exploration qu'en automne ou au début du printemps, après
les premiers beaux jours et le réveil des animaux. Même
alors, des précautions simples comme celles qui sont citées
au 3.5 ne seront pas superflues.
HIBERNATION :
Avec la baisse de la température extérieure, les
insectes disparaissent. Les chauves-souris insectivores doivent
survivre pendant de longs mois sans nourriture en saison hivernale
: c'est la raison de leur hibernation. Elles choisiront pour cela
des zones propices au repos, donc calmes et à la température
relativement stable. Ces zones sont variables selon les espèces
: pour ce qui nous concerne, nous spéléos, il faut
noter que de nombreuses grottes peuvent abriter des colonies ou
des individus isolés en hibernation des mois de novembre
à mars. Les chiroptères vont vivre au ralenti, leurs
battements de coeur vont diminuer ainsi que leur rythme respiratoire.
Elles vont rester ainsi immoblies ne se réveillant que très
sommairement pour boire et elles consommeront les réserves
de garisses accumulées au cours de l'été. Tout
réveil intempesti dans cette période peut donc leur
être fatal : elles eront exposées au froid extérieur,
dépenseront inutilement leurs réserves et pouront
mourir d'épuisement !
DÉPLACEMENTS et MIGRATION :
Chez les chiroptères, il existe deux types de déplacements
:
* les déplacements journaliers ou saisonniers sur leur
domaine (parfois vaste de plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres)
liés à la recherche de nourriture ou à leur
cycle de vie.
* les véritables migrations annuelles attestées chez
certaines espèces et liées au fait que les aires de
reproduction sont souvent très éloignées des
lieux d'hivernage (parfois plus de 1000 km). Des chauves-souris
comme les Pipistrelles de Nathusius ou la Sérotine bicolore
viennent passer l'hiver dans le sud et l'ouest de l'Europe alors
qu'elles vivent de préférence dans le nord de l'Europe
en été. Ailleurs dans le monde on connaît des
cas de migrations plus spectaculaires encore, comme celui de Lasiurus
cinereus qui migre du Canada vers le Mexique sur plusieurs milliers
de kilomètres.
ACCOUPLEMENT, GESTATION et REPRODUCTION
:
Les chauves-souris de nos contrées ont un mode de reproduction
assez particulier pour des mammifères : les testicules des
mâles restent à l'intérieur du corps et ne sortent
qu'en période d'accouplement. C'est donc à ce moment
là qu'il est le plus facile de différencier les mâles
des femelles. Celles-ci ont une seule paire de mamelles et mettent
bas, généralement d'un seul petit, après environ
2 mois de gestation (cette période peut aller jusqu'à
7 mois chez certaines espèces de chauves-suris tropicales).
Autre fait remarquable, chez les chauves-souris des zones tempérées,
l'accouplement a lieu au printemps et la fécondation en automne.
Pendant tout l'hiver le sperme du mâle reste à l'abri
dans le corps de la femelle où il garde son pouvoir fécondant.
3.4 Habitat 

Les chauves-souris peuvent se
rencontrer sur presque toute la Terre : elles y ont des habitats
variés. Il existe des chauves-souris arboricoles ou forestières
qui vivent essentiellement dans les frondaisons
ou dans les troncs d'arbres creux. D'autres préfèrent les
abris que leur apportent les constructions humaines : toitures
et charpentes, ponts, caves, clochers etc. Certaines ont une préférence
pour le domaine souterrain : galeries de mines, grottes et avens,
où elles trouvent des conditions optimales de température et d'humidité
pour leur hibernation ou leur reproduction. Chaque espèce a ses
préférences et en Europe on rencontre des chauves-souris des trois
catégories sus-citées. Les Rhinolophes ou les Minioptères hibernent
et se reproduisent dans les cavités, les Murins se partagent entre
cavernes et bâtiments alors que les Noctules, les Sérotines et
les Pipistrelles choisiront de préférence les arbres creux.
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