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Techniques géophysiques de prospection

CHRONIQUE DE « Doc Carbur » N° 8


1 Introduction   *
2 La prospection qu’es aco ?   *

2.1 La période « Martel »   *
2.2 La période actuelle   *
2.3 Et l’avenir ?   *

3 Différents types et méthodes de prospection   *

3.1 Généralités   *
3.2 Le magnétisme   *
3.3 La gravimétrie   *

3.3.1 Gravimétrie directe   *
3.3.2 Gravimétrie indirecte   *

3.4 Les méthodes électriques   *

3.4.1 Mesure du courant émis par le sol   *
3.4.2 Méthode active par injection de courant dans le sol   *

3.4.2.1 La méthode dipôle-dipôle *
3.4.2.2 La VLF   *
3.4.2.3 Le " Géoradar "   *

3.5 La sismique réfraction   *
3.6 Mesures par satellite *

 

4 Précisions sur la gravimétrie   *

4.1 Généralités   *
4.2 Comment mesurer la pesanteur *

4.2.1 Les pendules   *
4.2.2 Les balances de torsion   *
4.2.3 Les gravimètres   *

4.2.3.1 Les gravimètres stables   *
4.2.3.2 Les gravimètres astables   *

4.3    Mesures et corrections   *

4.3.1 Les mesures   *
4.3.2 Les corrections   *

4.3.2.1 De latitude   *
4.3.2.2 D’altitude   *
4.3.2.3 De masses   *
4.3.2.4 De terrain   *
4.3.2.5 De dérive   *
4.3.2.6 De marée   *
4.3.2.7 De mouvement   *

4.4 Application à la spéléologie   *

4.5 Extrapolons un peu !   *

5 Annexe   *

6 Documentation



1 Introduction

L’aiguillon qui fait courir la plupart des spéléos, n’est pas le look ou le fun. Se vautrer dans la boue et ressortir meurtri et couvert d’ecchymoses n’a jamais attiré les tenants du bronzage «côte ouest » et de la peau musclée brillant sous le soleil : on retrouve plutôt ce profil sur des planches de surf ou gravissant fièrement des rochers. Les entrailles de la terre sont réservées à des passionnés, oui mais là est la question : passionnés de quoi ? L’attrait de l’obscurité inquiétante des abîmes fait rêver en premier lieu ceux qui aiment se faire peur recherchent leur plaisir dans l’exploit personnel et le dépassement de soi, mais qu’on ne s’y trompe pas, ce ne sont pas les plus accros ni les plus fidèles. Ces sensations se retrouvent ailleurs : en escalade, en parapente, en saut à ski ou à 200 km/h sur l’autoroute au volant d’un tombeau roulant.
Non, les spéléologues les plus profondément accros à leur activité sont certes un peu masos, mais ils sont aussi et surtout des aventuriers dans l’âme, des curieux ouvrant sur le monde qui les entoure des yeux toujours neufs, des pionniers refoulés, des découvreurs insatisfaits. Être spéléologue hier et aujourd’hui, c’est avoir envie de découvrir la Lune tous les jours et devoir se contenter de garder les pieds sur terre. La terre, parlons-en justement. Elle recèle des trésors de mystères, des mondes enfouis, des cavités inconnues des hommes : une planète à l’intérieur de la planète, un nouveau monde intra-terrestre à découvrir. Être spéléo c’est laisser une part au rêve entre deux désobstructions, vouloir être le premier, connaître l’envie et le besoin du nouveau et de l’inconnu. Dans ces quelques pages nous allons voir comment ces hommes pourraient assouvir plus aisément leur soif de découvertes. Quand on ne peut ni partir sur Mars, ni parler aux esprits des morts, la prospection reste une des rares voies vers l’inconnu.

2 La prospection qu’es aco ?

« Prospecter » : ce mot sonne comme une pépite d’or dans les montagnes de l’Ouest Américain. Il n’y a plus beaucoup de métal jaune à découvrir par chez nous, mais chaque spéléo est un prospecteur en puissance. Le but de la manœuvre est bien sûr de découvrir une nouvelle cavité, aven ou grotte : une première. Pour cela tous les moyens sont bons et nous allons passer en revue dans cet article ceux qui s’appuient sur des connaissances et du matériel issus de l’étude scientifique de notre globe. On pourrait découper les étapes de la découverte spéléologique depuis 100 ans en trois périodes :

  • Période « Martel » : OBSERVATION / DIALOGUE / PATIENCE / COURAGE
  • Période actuelle : ATTENTION / PROSPECTION/ GÉOLOGIE
  • Période à venir : PRÉCISION / TECHNIQUE / GÉOPHYSIQUE

Pour être plus proche de la réalité, il aurait fallu ajouter à chaque période le facteur CHANCE...

2.1 La période « Martel »


À l’époque du célèbre pionnier et inventeur de la spéléologie, la découverte des cavités se faisait essentiellement grâce au contact avec les riverains villageois et autres bergers qui connaissaient les gouffres et les abîmes souvent « insondables ». Un peu de patience et d’observation du terrain permettaient de les découvrir ; restait le plus difficile à faire : l’exploration et la topographie.

2.2 La période actuelle

La prospection demande maintenant, du moins en Europe, une plus grande attention que naguère. Les cavités gigantesques sont connues et il faut partir aux confins du monde pour cueillir les trous comme des pâquerettes au printemps. Les paysans, bergers, randonneurs, chasseurs, sont toujours de bonnes sources d’information mais les rapports avec eux deviennent de plus en plus tendus. L’importante densité de personnes arpentant la nature en fin de semaine et la mauvaise image donnée parfois par quelques individus inconscients, rend les rapports difficiles. Chacun gère au mieux sont « capital humain » dans sa zone d’influence et essaie de faire avec l’habitat dispersé, les barbelés, les battues au sanglier, les massifs protégés et autres difficultés relationnelles de toutes sortes. Quoi qu’il en soit, il devient difficile de se passer d’une bonne connaissance du terrain et de quelques notions élémentaires de géologie. La technique aidant, la prospection est souvent plus difficile que la désobstruction ou l’exploration elle-même. Heureusement, le passage en plongée de siphons a ouvert de nouveau horizons là où, il y a à peine 50 ans, seules les voûtes mouillantes de quelques mètres pouvaient être franchies en apnée (et encore, tout le monde ne s’appelait pas Casteret !).

2.3 Et l’avenir ?

Nous abordons le troisième millénaire : que sera l’exploration spéléologique du siècle qui commence ? Que restera-t-il à découvrir ? À n’en pas douter, le karst de nos régions recèle encore bien des surprises et les spéléos de demain disposeront, s’ils en ont les moyens financiers et si on leur en laisse le droit, de techniques et de matériels évolués et puissants. Alliés à une connaissance pointue du karst, les découvertes devraient encore fleurir malgré l’augmentation constante des réseaux connus. Pour ce qui concerne la plongée souterraine, le scaphandre à récupération et recyclage de l’air expiré pourrait alléger les séances de portage et réduire le nombre de bouteilles relais. Ceci permettra peut-être, si le coût du matériel diminue, de repousser encore les limites de l’exploration. Quant aux spéléos purement terrestres, nous allons nous appliquer à parcourir les techniques qui pourraient marquer l’avenir de ces découvreurs de trous.

3 Différents types et méthodes de prospection

3.1 Généralités

La prospection fut pendant longtemps un travail très empirique demandant plus d’effort physique que de réflexion intellectuelle. Une fois la zone délimitée et reconnue comme propice à la découverte recherchée (du bon calcaire pour les spéléologues par exemple), l’activité consistait surtout à arpenter des hectares de massifs et de causses le nez collé au sol comme un cochon truffier. Mais l’homme (contrairement à ce que dit une chanson paillarde bien connue) n’est pas un cochon truffier. A force de faire fonctionner ses cellules grises, il a inventé des méthodes de plus en plus sophistiquées pour être plus efficace. Le spéléologue découvrit le courant d’air et le magnat du pétrole la géophysique.

Nous ne nous étendrons pas sur les méthodes classiques et bien connues des spéléos le but de cet article étant de se tourner vers l’avenir. Nous allons donc passer en revue les différentes techniques géophysiques de prospection du sous-sol même si pour l’instant elles n’ont que bien peu d’utilité pour les chercheurs de cavités. Toutes ces méthodes effectuent des mesures de grandeurs physiques variant en fonction de la nature ou de la disposition des roches contenues dans le sol. La détection d’une valeur, ou d’une suite de valeurs, caractéristiques, voire d’une anomalie dans les résultas sera alors déterminant pour l’interprétation. Les caractéristiques de ces techniques sont variables :

  • capacité à détecter ce que l’on cherche précisément (spécificité)
  • capacité à « lire » en profondeur (pénétration)
  • capacité à détecter des « objets » de taille réduite (résolution)

3.2 Le magnétisme

La prospection magnétique consiste à mesurer soit le champ magnétique total ou une de ses composantes (mathématiquement il s’agit d’un ensemble de plusieurs vecteurs d’orientation différente dans l’espace) à la surface du sol. Les anomalies mesurées dans le premier cas sont grandes, même une fois que l’on y a enlevé les variations naturelles du champ terrestre.

3.2.1 Le magnétomètre à protons

C’est une méthode à faible résolution (à cause des problèmes liés à l’interprétation des résultats). Elle présente également des difficultés de mise en œuvre dans le cas d’une tentative de mesure des composantes du magnétisme, mais plus de facilité pour la mesure du champ global (résultant de la combinaison de ces vecteurs). Par contre elle a un grand pouvoir de détection car les anomalies relevées sont importantes.
On utilise la mesure du magnétisme pour découvrir des minéraux ayant une forte aimantation (magnétite, pyrrhotite, ilménite) mais également dans l’étude de la tectonique des plaques. C’est une technique très employée pour la découverte des structures archéologiques enfouies bien que l’interprétation des cartes obtenues soit ardue. Son intérêt est très faible pour la spéléologie qui est basée essentiellement sur la recherche de vide ou d’eau : ces deux éléments étant magnétiquement plutôt neutres, c’est le moins qu’on puisse dire. Ah, si les concrétions étaient en fonte et les draperies en acier aimanté…

3.2.2 La prospection par résonance nucléaire

Pour contourner cette difficulté on peut exciter les protons contenus dans l’eau et découvrir ainsi les galeries noyées. Cette méthode est donc une méthode active : on crée un champ électromagnétique puissant à une fréquence qui excite les protons puis on mesure le champ terrestre et le champ émis par les protons excités.
Cette tache est confiée à une sonde à neutrons qui permet de quantifier le pourcentage d’eau dans le sol (milieu poreux, finement fissuré…). Cette méthode RMN est actuellement en cours d’évaluation et semble prometteuse.

3.3 La gravimétrie

3.3.1 Gravimétrie directe

Nous nous étendrons beaucoup plus sur cette méthode au point 4., en effet cette technique a déjà été expérimentée par des équipes de spéléos pour la recherche de cavités. Elle consiste à mesurer l’intensité de la pesanteur terrestre et ses variations en fonction du sous-sol.

En résumé nous dirons que l’on mesure l’attraction terrestre directe : c’est à dire qu’on fait des « pesées » en plusieurs endroits et là où le poids mesuré est le moins élevé c’est que c’est creux en dessous. Évidemment ça ne se fait pas avec un pèse personne qui manquerait un tantinet de précision, mais avec un microgravimètre capable de déceler des variations infinitésimales de gravité de quelques microgals (soit moins d’un milligramme pour un grand gaillard costaud comme moi).

3.3.2 Gravimétrie indirecte

Timbre sur la balance de EotvosNous allons par contre détailler ici une méthode de mesure de gravimétrie indirecte appelée « gradiométrie gravitationnelle ». Cette méthode évalue, non pas la gravité elle-même, mais les composantes du champ gravitationnel local (plusieurs vecteurs d’orientations différentes : verticale, horizontale etc.).Balance de Eotvos

Cette méthode fut historiquement appliquée la première fois par les physiciens hongrois Lonànd Eötvös et Hugo de Boeckh à la fin du XIXeme siècle. Eötvös avait créé un instrument baptisé depuis « balance de Eötvös » : il s’agissait d’une balance de torsion très précise. Elle fut utilisée, pendant l’hiver 1901 sur le lac gelé de Balaton (Budapest) afin de cartographier le relief du fond. Ces relevés se révélèrent corrects et la technique fut ensuite appliquée au sous-sol. Après la première guerre mondiale, les géologues se mirent à rechercher des dômes de sel (densité et attraction plus faible que les roches encaissantes) souvent associés aux gisements pétroliers. 30 ans plus tard, la « gradiométrie gravitationnelle » était devenue un classique de la prospection industrielle. Malheureusement la méthode était difficile à mettre en œuvre et fut abandonnée au profit de la gravimétrie directe plus simple.

C’est l’électronique, l’armée et la guerre froide qui lui redonnèrent une seconde vie. En effet des gradiomètres furent embarqués sur les sous-marins nucléaires tactiques américains afin de leur permettre de " voir " les obstacles sans émettre et donc en restant totalement indétectables. D’autres méthodes de guidage se firent jour, la normalisation Est/Ouest passa par là et l’armée cessa de tenir ces systèmes secrets, quant à la société qui les fabriquait elle cherchait des débouchés. Ils furent trouvés auprès des géologues à la recherche du pétrole tant désiré.

L’avantage de ce système de gradiométrie à 6 capteurs est qu’il est utilisable embarqué sur un bateau ou dans un avion sans précautions particulières. Le golfe du Mexique fut le premier à être scruté avec succès par cette méthode : malheureusement ce n’est pas demain qu’un tel appareil sera à la portée des finances d’un club ni même d’une association spéléologique…

3.4 Les méthodes électriques

Elles sont de deux types, l’un mesurant les courants électriques « naturels » présents dans le sol (méthode passive), l’autre utilisant des courants électriques injectés « artificiellement » puis récupérés et mesurés (méthode active).

3.4.1 Mesure du courant émis par le sol

Cette méthode est de loin la moins utilisée sauf dans le cas de la recherche de zones propices à l’exploitation géothermique. On mesure en fait la différence de potentiel entre les extrémités de deux lignes électriques reliées au sol et qui recueillent les courants telluriques, soit nés dans les masses sulfureuses ou graphitiques du sol, soit créés dans celui-ci par l’influence de l’ionosphère elle-même chargée électriquement.

3.4.2 Méthode active par injection de courant dans le sol

On peut distinguer deux grandes catégories de mesures utilisant du courant électrique injecté : La première consiste à envoyer du courant continu dans le sol par deux électrodes. Après avoir fait varier l’écartement des électrodes et mesuré la différence de potentiel grâce à deux électrodes supplémentaires, on évalue la résistivité des roches du sous-sol . cette technique permet par exemple de découvrir de l’eau souterraine, elle est utilisée également en archéologie. La seconde mesure les courants d’induction. L’injection se fait grâce à une bobine et la mesure de même. Cette méthode est utilisée en prospection minière et peut être mise en œuvre à partir d’un hélicoptère, les courants induisant des champs électriques mesurables à distance. Nous allons détailler ci-dessous au 3.4.2.1 et au 3.4.2.2, deux exemples de mesures appartenant à cette catégorie des méthodes électriques actives par induction.

3.4.2.1 La méthode dipôle-dipôle

Cette méthode utilise les propriétés électriques du sous-sol et l’influence de sa conductibilité sur la propagation des champs électromagnétiques. En pratique on déplace à la surface du sol deux bobines séparées d’une distance constante : pour des bobines séparées de 3.66 mètres, la pénétration moyenne est de 6 mètres. L’une est émettrice (10 kHz) et l’autre réceptrice. Cette dernière mesure les composantes du champ magnétique induit par le courant provenant de la première. Les données sont recueillies point par point par un ou deux opérateurs et l’équipement est réduit. Cette méthode est employée dans la détection de failles, de filons conducteurs, d’aquifères ou de câbles et canalisations métalliques enterrées. Elle ne nécessite pas de piste carrossable. (voir documentation en bas de cette page : Tomographie pour géologues)

3.4.2.2 La VLF

La VLF est une variante particulière de la méthode décrite précédemment. Sa particularité vient de l’émission du signal électromagnétique. En effet, celui-ci est produit par des émetteurs en très basse fréquence : 12 à 25 kHz (Very Low Frequency) très éloignés du site de mesure et dont la destination première est militaire (contact avec les sous-marins tactiques en plongée). Plusieurs variantes de la méthode existent : avec ou sans contact de l’antenne réceptrice au sol, sur une ou plusieurs fréquences simultanées de direction identique, sur un seul ou plusieurs émetteurs situés dans différentes directions. Quoi qu’il en soit toutes ces méthodes consistent à mesurer les effet d’induction causés par ces ondes kilométriques.

Les défauts majeurs de cette technique résident dans la difficulté d’interprétation des résultats et dans le fait que l’on ne maîtrise pas l’émission qui peut cesser sans prévenir en fonction des décisions des pays possédant les émetteurs (arrêt à 17 h GMT pour cause de " tea time " britannique)… Par contre la profondeur d’investigation est relativement importante.

3.4.2.3 Le Géoradar

Le « Géoradar » (nom déposé) est une prospection à impulsion basée sur la propagation d’ondes électromagnétiques dans le sol. Celui-ci ayant des caractéristiques diélectriques variables en fonction de sa composition, on enregistre la réflexion des impulsions émise aux interfaces de contact entre les différentes composantes du sol (couches, failles, vides). L’injection est confiée à des antennes de fréquence variable (80 à 1000 MHz) et la récupération de même. Ces antennes peuvent être placées en surface ou à des hauteurs variables à l’intérieur d’un forage. L’enregistrement a lieu en continu et fournit des graphiques dont l’interprétation est facilitée par l’utilisation de progiciels. Sur l’enregistrement reproduit ci-contre (récepteur dans un forage), on distingue une hétérogénéité sur la droite à mi-hauteur qui signale le passage de l’onde dans une petite cavité à 5 mètres de profondeur.

 Cette technique est utilisée pour détecter des cavités métriques dans les 10 premiers mètres du sol en moyenne. Elle est non destructive et rapide mais nécessite une piste carrossable pour l’accès du véhicule qui tire l’appareillage de mesure. Malheureusement, la présence d’argiles et d’eau en surface gêne la propagation du signal.

  3.5 La sismique réfraction

Cette étude des ondes élastiques se propageant dans le sol est similaire à celle qu’utilisent les sismologues (quand ils étudient les tremblements de terre) mais adaptée à la couche supérieure du sol. Au lieu d’étudier les séismes naturels, on utilise les capteurs des sismographes pour mesurer les vibrations dues à l’explosion de charges placées dans le sol ou à des ébranlements dus à des détentes d’air comprimé.  L’onde ainsi créée se propage dans les sol de proche en proche et subit des réflexions et réfractions (comme en optique).

Les résultats sont des courbes appelées « sismogrammes » qui, une fois combinées entre elles, forment des sortes de coupes du terrain sous-jacent donnant une idée relative des roches sur plusieurs kilomètres de profondeur. Cette technique est utilisée principalement en génie civil, prospection minière et océanographie géophysique. De plus elle est actuellement la méthode par excellence des prospecteurs d’hydrocarbures et de gaz et absorbe la quasi totalité de l’argent investi dans la prospection pétrolière. Pour nous spéléologues, rien de raisonnablement utilisable dans l’état actuel de la technique bien que l’écho d’un vide sous terrain semble la réaction la plus évidente à mettre en œuvre et à détecter. Qui sait si en embauchant un pisteur Sioux avec l’oreille collée au sol…

3.6 Mesures par satellite

Géoïde terrestreLa myriade de satellites qui nous tournent autour peuvent aussi à l’occasion nous donner des mesures exploitables en géophysique. Mis à part le système de localisation GPS (voir article consacré à ce sujet dans la chronique de Doc Carbur N°7), d’autres satellites utilisent des radars pour mesurer avec précision la distance qui les sépare de la surface du globe. Ces satellites (GEOS 3, SEASAT, GEOSAT, ERS-1, TOPEX POSEIDON) complètent les données gravimétriques pour étudier le géoïde au niveau des océans. Les satellites géostationnaires ont également permis de mesurer l’aplatissement du globe terrestre avec précision et évaluent également la gravité dans les zones marines plus difficiles d’accès pour les méthodes classiques. D’autres satellites mesurent en permanence la valeur de la magnétosphère terrestre. Quoi qu’il en soit, pour un spéléologue le satellite n’a guère d’utilité que dans le pointage par GPS des cavités : ce n’est pas demain qu’un engin en orbite autour de la terre vous indiquera les endroits où il faut attaquer une désobstruction.

4 Précisions sur la gravimétrie

4.1 Généralités

Comme annoncé plus haut au 3.3 nous allons nous étendre un peu plus longuement sur ce sujet, la gravimétrie étant une des techniques géophysiques la mieux adaptée à la découverte de cavités dans une couche supérieure du sol de quelques dizaines de mètres d’épaisseur. La gravimétrie à l’échelle de vastes régions terrestres a pour objectif d’apporter ses mesures à la géodésie et de découvrir ainsi la forme de notre globe. Ce n’est pas cette composante de la gravimétrie qui nous intéresse. Un Causse c’est plat (ou à peu près), peu importe la forme du globe terrestre : ce que l’on voudrait savoir c’est si c’est creux en dessous ! Bref ce que demande un spéléo à la gravimétrie, c’est de lui permettre de voir à travers du calcaire.

4.2 Comment mesurer la pesanteur ?

Gravimètre supraconducteur

Mesurer l’attraction terrestre consiste à faire une sorte de pesée d’une extrême précision. Plusieurs types d’appareils ont été adaptés pour remplir cette fonction : il s’agit toujours d’une masse liée à un support qui est mise en mouvement plus ou moins prolongé par la gravité. Dans un ordre chronologique et historique sont apparus tout d’abord les pendules, puis les balances de torsion et enfin les gravimètres. L’appareil utilisé de nos jours le plus fréquemment dans la mesure du champ de pesanteur (gravité) est le gravimètre ou le micro gravimètre pour les intimes. Ces appareils peuvent être de plusieurs types différents : cela va d’un boîtier de quelques dm3 et aisément transportable à des engins fixes (de la taille d’une petite pièce d’habitation) que sont les gravimètres supraconducteurs. Passons rapidement sur ces engins dont un seul modèle existe en France (à ma connaissance) à Strasbourg au sein de l’Observatoire Gravimétrique de Strasbourg, qui ont pour objectif l’étude du noyau liquide de la terre et de ses mouvements.

4.2.1 Les pendules

C’est l’appareil historiquement le plus ancien, Newton et sa théorie de la gravitation avait déjà envisagé les variations locales de celle-ci et l’expérience du pendule permettait théoriquement de les mettre en évidence. En effet la formule T = 2B q l/g où T est la période du pendule et l sa longueur, permet d’évaluer la gravité.
Plus tard Pierre BOUGUER (dont on reverra le nom plus loin) mesura la variation de g grâce à un pendule lors d’une expédition en Équateur. Il s’agissait de mesurer la longueur du fil du pendule avec une règle : autant dire que la précision laissait à désirer ; enfin Charles de BROCA améliora la précision avec un pendule double. Au cours des deux derniers siècles on put mesurer la gravité au 1/100 000 puis à 0,25 microgal près en 1930 pour un temps de mesure de l’ordre de la demie heure.

4.2.2 Les balances de torsion

 

Ce furent les ancêtres des gravimètres.
Nous en avons parlé au 3.3 et n’y reviendrons donc pas. Ajoutons simplement que l’unité de mesure est le Eötvös qui vaut 10-6 milligal / cm.

4.2.3 Les gravimètres

Il s’agit essentiellement d’une balance munie d’un peson à ressort extrêmement sensible. Les variations de la gravité jouent sur l’allongement du ressort qui est alors mesuré.

4.2.3.1 Les gravimètres stables

Ce sont les moins faciles à mettre en œuvre, ils utilisent un procédé simple en application de la loi de Hooke sur l’allongement des ressorts de pesons. Loi de Hooke : Vg = k/m x Vx ( Vg est la variation de la gravité, m la masse suspendue au ressort, k la constante du ressort, Vx la variation d’allongement du ressort). Un exemple de gravimètre stable est le gravimètre GULF sensible à 0,1 microgal et pesant 13 kg environ. Pour détecter une variation d’un microgal il faut pouvoir lire des variations de longueur d’environ 10–6 cm soit 0,00001 mm : il faut donc une bonne vue !

4.2.3.2 Les gravimètres astables


Principe d'un gravimètre

Ils sont plus précis et leur mécanisme est plus complexe. Il en existe 3 modèles principaux qui sont généralement isolés thermiquement. Leur prix varie de 150 000 à 300 000 F environ ce qui n’est pas rien ! Mais vous pourrez peut-être vous en faire prêter un si vous avez vos entrées dans le labo de géophysique de la faculté la plus proche ou d’une grosse entreprise de géotechnique (CGG, BRGM).

En voici quelques exemples :

  • Le LACOSTE et ROMBERG (1934) qui pèse environ 3 kg et a une précision de l’ordre de +/- 10 microgals
    Lacoste Romberg
  • Le WORDEN (1948) avec des ressorts en quartz sous vide et isolé thermiquement qui pèse lui aussi environ 3 kg. Sa précision est de l’ordre de +/- 10 microgals.
  • Le SCINTREX CG3 : modèle électronique dont certaines versions peuvent être héliportées (1998). Leur sensibilité est d’environ 1 microgal et leur précision de 3 microgals
    .

 

4.3 Mesures et corrections

4.3.1 Les mesures

Diverses précautions doivent être prises pour effectuer les mesures. Tout d'abord, l'altitude des stations où sera placé le gravimètre doit être connue le plus précisément possible. Les différences éventuelles de niveau entre les stations doit, elle aussi, être mesurée au centimètre près et nécessite parfois les visées de nivellement d'un géomètre bien équipé. Les mesures doivent être nombreuses et on doit laisser suffisamment de temps à l'appareil pour que le support reste bien stable et éviter toute vibration parasite à proximité qui risquerait de perturber la mesure. Avant de déplacer le gravimètre à la station suivante il faut bien le verrouiller car toute secousse en détériorerait irrémédiablement le mécanisme. A ces conditions vous obtiendrez une série de mesures exploitables après corrections.

4.3.2 Les corrections

4.3.2.1 De latitude

La gravité au niveau de l'équateur est plus faible qu'à des latitudes plus hautes à cause de la force centrifuge due à la rotation du globe et au fait que la terre est légèrement aplatie aux pôles. Il faut en tenir compte et soustraire une valeur par rapport à celle de référence. Cette valeur se calcule à partir d'une belle formule où intervient la latitude du lieu et dont je vous fais grâce (formule de CLAIRAULT).

4.3.2.2 D’altitude

Plus on se trouve en altitude, plus on s'éloigne du centre de la terre et donc plus la gravité diminue. Là aussi il faut corriger les mesures qui sont faites par rapport à un niveau de référence et ajouter (en altitude) ou diminuer (dans des régions basses) d'autant la valeur de gravité mesurée. Cette correction s'appelle «correction à l'air libre» est égale à 0,3086 milligal par mètre. Tiens, j'ai oublié de me retenir pour ce coup-ci et j'ai lâché un premier nombre : attention, d'autres suivront.

4.3.2.3 De masses

La gravité en un lieu donné varie en fonction des masses rocheuses situées entre les stations de mesure et le niveau de référence. Par exemple, au creux d'une allée encaissée au sein d'un massif montagneux on n'aura pas la même valeur de gravité que sur un plateau (à altitude et latitude égales). Cette correction s'appelle "Correction de Bouguer" et elle est inverse à la précédente. Il faudrait, pour l'exemple ci-dessus, diminuer les valeurs mesurées pour les stations de vallée de montagne et les augmenter pour les autres. Cette valeur vaut 0,1118 milligal / m si l'on considère que la roche environnante a une densité moyenne de 2,67 g / cm3 soit 2,67 kg au litre. Là aussi, la composition du sol a de l'importance, cette correction sera plus importante dans un terrain primaire de granite dense que pour un relief crétacé karstique et donc plein de trous !!!

4.3.2.4 De terrain

Les reliefs proches des stations de mesure ont aussi une influence qui pourrait être comparée à une mini "anomalie de Bouguer". Cela n'a pas grande importance sur un Causse mais peut devenir nécessaire si vous vous trouvez à proximité d'une ou plusieurs falaises importantes. Pour l'évaluer il faut utiliser un abaque correspondant à la carte topographique du lieu où se font les mesures : l'abaque de HAMMER.

4.3.2.5 De dérive

Au fur et à mesure de l'utilisation du gravimètre, les ressorts s'échauffent et la mesure en est légèrement altérée. On vérifie cette dérive en repassant plusieurs fois à la station de base et en effectuant la correction éventuelle.

4.3.2.6 De marée

La croûte terrestre est attirée par la lune et le soleil de la même manière que l’eau des océans. Ces marées diminuent la valeur de la gravité quand elles sont à leur maximum. Cette correction est minime mais complexe. Un tableau des variations en fonction de la date, de l'heure et du lieu permet de la mettre en œuvre.

4.3.2.7 De mouvement

Cette correction appelée « correction d'Eötvös » n'est nécessaire que pour les mesures effectuées à partir d'un véhicule mobile. Elle a pour but de compenser l'effet produit par la vitesse qui, suivant le sens de déplacement, augmente la valeur de g (vers l'ouest) ou la diminue (vers l'est). Ceci est bien entendu encore une conséquence de la rotation de la terre.

4.4 Application à la spéléologie

Toutes ces méthodes de recherches ont des applications professionnelles diverses telles que la recherche d’hétérogénéités du sous-sol pour les travaux publics (autoroutes, fondations, voies de chemin de fer). Certaines pourraient être appliquées spécifiquement à la prospection spéléologique mais ne le sont que rarement. Il faut en effet surmonter de nombreux problèmes qui sont d’ordre matériel et financiers. Si l’on trouve relativement facilement une équipe compétente de spéléologues pour mener ce genre d’investigation, ce n’est pas pour autant que l’on pourra se procurer un appareillage coûteux et relativement rare.
Si cet obstacle est franchi, par relation ou par le biais d’une activité à but mixte scientifique et spéléologique, on pourra constater que la prospection par microgravimétrie ainsi que le " Géoradar " sont efficaces. Leur marge d’erreur n’est pas négligeable mais il est possible de détecter sur un Causse une salle ou une galerie de quelques mètres de large à environ une ou deux dizaines de mètres de profondeur.
Diverses expériences ont pu être réalisées en France. Par exemple, à la grotte de Font-Paule près d’Avignon une salle de 6 m de diamètre pour 12 m de hauteur a été détectée à environ 5 m de profondeur (au dessus du plafond de la salle). L’anomalie était d’environ 15 microgals. Ailleurs, une autre expérience a permis de détecter une ancienne carrière souterraine de 150 x 75 m, suite à l’interprétation d’une anomalie résiduelle de gravité d’environ 30 microgals (voir schémas en annexe ci-après).
Dans l’Hérault une tentative avait été faite au dessus de la grotte de La Leicasse pour détecter la salle Edmond Milhaud (salle de 100 m de hauteur et dont le sommet est à environ 10 m de profondeur). Le résultat avait été mitigé car le report topographique de la cavité était imparfait et seul le bord de l’anomalie était alors visible.

4.5 Extrapolons un peu

Et demain que pourrait-il se passer ? On pourrait voir une scène de ce genre sur les Causses :

Prospection au chronomètre

Enfin, ici Erdé simplifie un peu les choses évidemment. Mais expliquons tout de même ce qui pourrait se passer.

Des progrès incessants ont été réalisés dans la mesure précise du temps. Pour mettre au point le système GPS de localisation par satellite, il a fallu mesurer le temps avec une précision jamais égalée jusqu'àlors. Si vous souhaitez avoir plus de détails sur ce fonctionnement, bien utile aux spéléos prospecteurs pour localiser leurs découvertes, voir Doc Carbur N°7. Mais même la précision de ces horloges au Césium ne suffit plus. Les astrophysiciens sont en train d'essayer de mettre à l'épreuve le système actuel d'équations de la physique appelé « système standart » et qui décrit le fonctionnement de l'Univers des galaxies jusqu'aux particules élémentaires. Ce système initié par la théorie de la Relativité générale d'Einstein puis complété par la Mécanique quantique, est en pleine évolution (pour en savoir plus sur ces deux points voir Doc carbur 9). Pour résumer nous dirons que ces deux bases sont parfois incompatibles entre elles et se refusent pour l'instant à fusionner simplement. Pourtant chacune dans sa spécialité est vérifiée expérimentalement, la première par exemple dans le système GPS justement et la seconde en électronique dans tous vos appareils bourrés de puces et de transistors. Pourtant la théorie qui unirait la relativité et la Quantique peine à émerger. Pour tester la valeur de ce système standart si efficace mais si frustrant car incomplet, une des expériences nécessite l'utilisation d'horloges d'une précision inimagineable (je vous passe les détails du pourquoi, désolé).

Bon, en admettant que ce qui vient d'être dit soit assimilé (vous me suivez toujours j'espère...), quel rapport y a-t-il entre une montre super-super-super-super-précise et la détection d'une grotte encore invisible, bref comment faire de la première avec son chrono (parce que c'est ça le thème du dessin de Erdé ci-dessus, j'espère que vous aviez compris...) ? Pour comprendre il faut revenir au point 3.3.1 : s'il y a un vide sous les deux spéléos, il y a moins de masse terrestre donc une attraction moindre (une gravité plus faible). Mais, et c'est là toute la beauté de la chose, Albert Einstein a démontré grâce à la Relativité générale que plus la gravitation diminue, plus le temps passe vite (et inversement). Fort non ? Le pire c'est qu'à l'époque où ça a été démontré on ne pouvait pas le prouver expérimentalement (depuis, merci, ça a été fait et sans cela tous vos GPS indiqueraient des positions tellement fausses que vous les auriez jetés depuis longtemps).

Donc reprenons : si on peut mesurer une légère (mais alors très très très très très légère) avance du chrono à cet endroit-là par rapport à un autre chrono de référence, c'est que la gravitation est plus faible donc que c'est creux dessous : on a remplacé le microgravimètre par deux super-horloges atomiques. CQFD !

ATTENTION : ça ne marche pas avec votre Casio à quartz, ni même avec une Rolex. Alors ne vous mettez pas à creuser un trou chaque fois que votre montre avance de 5 secondes : vous finiriez par vous faire remarquer !

5 Annexe

6 Documentation complémentaire (.pdf)
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