Laiguillon qui
fait courir la plupart des spéléos, nest pas le look
ou le fun. Se vautrer dans la boue et ressortir meurtri et
couvert decchymoses na jamais attiré les tenants
du bronzage «côte ouest » et de la peau musclée
brillant sous le soleil : on retrouve plutôt ce profil sur
des planches de surf ou gravissant fièrement des rochers.
Les entrailles de la terre sont réservées à des passionnés,
oui mais là est la question : passionnés de quoi ? Lattrait
de lobscurité inquiétante des abîmes fait rêver en premier
lieu ceux qui aiment se faire peur recherchent leur plaisir
dans lexploit personnel et le dépassement de soi, mais
quon ne sy trompe pas, ce ne sont pas les plus
accros ni les plus fidèles. Ces sensations se retrouvent ailleurs
: en escalade, en parapente, en saut à ski ou à 200 km/h sur
lautoroute au volant dun tombeau roulant.
Non, les spéléologues les plus profondément accros à leur
activité sont certes un peu masos, mais ils sont aussi et
surtout des aventuriers dans lâme, des curieux ouvrant
sur le monde qui les entoure des yeux toujours neufs, des
pionniers refoulés, des découvreurs insatisfaits. Être
spéléologue hier et aujourdhui, cest avoir envie
de découvrir la Lune tous les jours et devoir se contenter
de garder les pieds sur terre. La terre, parlons-en
justement. Elle recèle des trésors de mystères, des mondes
enfouis, des cavités inconnues des hommes : une planète à
lintérieur de la planète, un nouveau monde intra-terrestre
à découvrir. Être spéléo cest laisser une part au rêve
entre deux désobstructions, vouloir être le premier, connaître
lenvie et le besoin du nouveau et de linconnu.
Dans ces quelques pages nous allons voir comment ces hommes
pourraient assouvir plus aisément leur soif de découvertes.
Quand on ne peut ni partir sur Mars, ni parler aux esprits
des morts, la prospection reste une des rares voies vers linconnu. |
« Prospecter » :
ce mot sonne comme une pépite dor dans les montagnes de
lOuest Américain. Il ny a plus beaucoup de métal
jaune à découvrir par chez nous, mais chaque spéléo est un prospecteur
en puissance. Le but de la manuvre est bien sûr de découvrir
une nouvelle cavité, aven ou grotte : une première. Pour
cela tous les moyens sont bons et nous allons passer en revue
dans cet article ceux qui sappuient sur des connaissances
et du matériel issus de létude scientifique de notre globe. On
pourrait découper les étapes de la découverte spéléologique
depuis 100 ans en trois périodes :
- Période « Martel » :
OBSERVATION / DIALOGUE / PATIENCE / COURAGE
- Période actuelle :
ATTENTION / PROSPECTION/ GÉOLOGIE
- Période à venir :
PRÉCISION / TECHNIQUE / GÉOPHYSIQUE
Pour être
plus proche de la réalité, il aurait fallu ajouter à chaque
période le facteur CHANCE...
|

À lépoque
du célèbre pionnier et inventeur de la spéléologie, la découverte
des cavités se faisait essentiellement grâce au contact
avec les riverains villageois et autres bergers qui connaissaient
les gouffres et les abîmes souvent « insondables ».
Un peu de patience et dobservation du terrain permettaient
de les découvrir ; restait le plus difficile à faire :
lexploration et la topographie.
|
La prospection
demande maintenant, du moins en Europe, une plus grande attention
que naguère. Les cavités gigantesques sont connues et il faut
partir aux confins du monde pour cueillir les trous comme
des pâquerettes au printemps. Les paysans, bergers, randonneurs,
chasseurs, sont toujours de bonnes sources dinformation
mais les rapports avec eux deviennent de plus en plus tendus.
Limportante densité de personnes arpentant la nature
en fin de semaine et la mauvaise image donnée parfois par
quelques individus inconscients, rend les rapports difficiles.
Chacun gère au mieux sont « capital humain »
dans sa zone dinfluence et essaie de faire avec lhabitat
dispersé, les barbelés, les battues au sanglier, les massifs
protégés et autres difficultés relationnelles de toutes sortes.
Quoi quil en soit, il devient difficile de se passer
dune bonne connaissance du terrain et de quelques notions
élémentaires de géologie. La technique aidant, la prospection
est souvent plus difficile que la désobstruction ou lexploration
elle-même. Heureusement, le passage en plongée de siphons
a ouvert de nouveau horizons là où, il y a à peine 50 ans,
seules les voûtes mouillantes de quelques mètres pouvaient
être franchies en apnée (et encore, tout le monde ne sappelait
pas Casteret !). |
Nous
abordons le troisième millénaire : que sera lexploration
spéléologique du siècle qui commence ? Que restera-t-il
à découvrir ? À nen pas douter, le karst
de nos régions recèle encore bien des surprises et les spéléos
de demain disposeront, sils en ont les moyens financiers
et si on leur en laisse le droit, de techniques et de matériels
évolués et puissants. Alliés à une connaissance pointue du
karst, les découvertes devraient encore fleurir malgré laugmentation
constante des réseaux connus. Pour ce qui concerne la plongée
souterraine, le scaphandre à récupération et recyclage de
lair expiré pourrait alléger les séances de portage
et réduire le nombre de bouteilles relais. Ceci permettra
peut-être, si le coût du matériel diminue, de repousser encore
les limites de lexploration. Quant aux spéléos purement
terrestres, nous allons nous appliquer à parcourir les techniques
qui pourraient marquer lavenir de ces découvreurs de
trous. |
La prospection fut
pendant longtemps un travail très empirique demandant plus
deffort physique que de réflexion intellectuelle. Une
fois la zone délimitée et reconnue comme propice à la découverte
recherchée (du bon calcaire pour les spéléologues par exemple),
lactivité consistait surtout à arpenter des hectares
de massifs et de causses le nez collé au sol comme un cochon
truffier. Mais lhomme (contrairement à ce que dit une
chanson paillarde bien connue) nest pas un cochon truffier.
A force de faire fonctionner ses cellules grises, il a inventé
des méthodes de plus en plus sophistiquées pour être plus
efficace. Le spéléologue découvrit le courant dair et
le magnat du pétrole la géophysique.
Nous ne nous étendrons pas sur les méthodes
classiques et bien connues des spéléos le but de cet article
étant de se tourner vers lavenir. Nous allons donc passer
en revue les différentes techniques géophysiques de prospection
du sous-sol même si pour linstant elles nont que
bien peu dutilité pour les chercheurs de cavités. Toutes
ces méthodes effectuent des mesures de grandeurs physiques
variant en fonction de la nature ou de la disposition des
roches contenues dans le sol. La détection dune valeur,
ou dune suite de valeurs, caractéristiques, voire dune
anomalie dans les résultas sera alors déterminant pour linterprétation.
Les caractéristiques de ces techniques sont variables :
- capacité à détecter ce que lon cherche précisément
(spécificité)
- capacité à « lire » en profondeur
(pénétration)
- capacité à détecter des « objets »
de taille réduite (résolution)
|
La prospection magnétique
consiste à mesurer soit le champ magnétique total ou une de
ses composantes (mathématiquement il sagit dun
ensemble de plusieurs vecteurs dorientation différente
dans lespace) à la surface du sol. Les anomalies mesurées
dans le premier cas sont grandes, même une fois que lon
y a enlevé les variations naturelles du champ terrestre. |
3.2.1 Le magnétomètre à protons
Cest une méthode
à faible résolution (à cause des problèmes liés à linterprétation
des résultats). Elle présente également des difficultés de
mise en uvre dans le cas dune tentative de mesure
des composantes du magnétisme, mais plus de facilité pour
la mesure du champ global (résultant de la combinaison de
ces vecteurs). Par contre elle a un grand pouvoir de détection
car les anomalies relevées sont importantes.
On utilise la mesure du magnétisme pour découvrir des minéraux
ayant une forte aimantation (magnétite, pyrrhotite, ilménite)
mais également dans létude de la tectonique des plaques.
Cest une technique très employée pour la découverte
des structures archéologiques enfouies bien que linterprétation
des cartes obtenues soit ardue. Son intérêt est très faible
pour la spéléologie qui est basée essentiellement sur la recherche
de vide ou deau : ces deux éléments étant magnétiquement
plutôt neutres, cest le moins quon puisse dire.
Ah, si les concrétions étaient en fonte et les draperies en
acier aimanté
|
3.2.2 La prospection par résonance nucléaire
Pour
contourner cette difficulté on peut exciter les protons contenus
dans leau et découvrir ainsi les galeries noyées. Cette
méthode est donc une méthode active : on crée un champ
électromagnétique puissant à une fréquence qui excite les
protons puis on mesure le champ terrestre et le champ émis
par les protons excités.
Cette tache est confiée à une sonde à neutrons qui permet
de quantifier le pourcentage deau dans le sol (milieu
poreux, finement fissuré
). Cette méthode RMN est actuellement
en cours dévaluation et semble prometteuse. |
3.3.1 Gravimétrie directe
Nous nous étendrons
beaucoup plus sur cette méthode au point 4., en effet cette
technique a déjà été expérimentée par des équipes de spéléos
pour la recherche de cavités. Elle consiste à mesurer lintensité
de la pesanteur terrestre et ses variations en fonction du
sous-sol.
En résumé nous dirons que lon mesure
lattraction terrestre directe : cest à dire
quon fait des « pesées » en plusieurs
endroits et là où le poids mesuré est le moins élevé
cest que cest creux en dessous. Évidemment
ça ne se fait pas avec un pèse personne qui manquerait un
tantinet de précision, mais avec un microgravimètre
capable de déceler des variations infinitésimales de gravité
de quelques microgals (soit moins dun milligramme pour
un grand gaillard costaud comme moi). |
3.3.2 Gravimétrie indirecte
Nous
allons par contre détailler ici une méthode de mesure de gravimétrie
indirecte appelée « gradiométrie gravitationnelle ».
Cette méthode évalue, non pas la gravité elle-même, mais les
composantes du champ gravitationnel local (plusieurs vecteurs
dorientations différentes : verticale, horizontale
etc.).
Cette méthode fut historiquement appliquée
la première fois par les physiciens hongrois Lonànd Eötvös
et Hugo de Boeckh à la fin du XIXeme siècle. Eötvös
avait créé un instrument baptisé depuis « balance
de Eötvös » : il sagissait
dune balance de torsion très précise. Elle fut utilisée,
pendant lhiver 1901 sur le lac gelé de Balaton (Budapest)
afin de cartographier le relief du fond. Ces relevés se révélèrent
corrects et la technique fut ensuite appliquée au sous-sol.
Après la première guerre mondiale, les géologues se mirent
à rechercher des dômes de sel (densité et attraction plus
faible que les roches encaissantes) souvent associés aux gisements
pétroliers. 30 ans plus tard, la « gradiométrie
gravitationnelle » était devenue un classique de
la prospection industrielle. Malheureusement la méthode était
difficile à mettre en uvre et fut abandonnée au profit
de la gravimétrie directe plus simple.
Cest lélectronique, larmée
et la guerre froide qui lui redonnèrent une seconde vie. En
effet des gradiomètres furent embarqués sur les sous-marins
nucléaires tactiques américains afin de leur permettre de
" voir " les obstacles sans émettre et
donc en restant totalement indétectables. Dautres méthodes
de guidage se firent jour, la normalisation Est/Ouest passa
par là et larmée cessa de tenir ces systèmes secrets,
quant à la société qui les fabriquait elle cherchait des débouchés.
Ils furent trouvés auprès des géologues à la recherche du
pétrole tant désiré.
Lavantage de ce système de gradiométrie
à 6 capteurs est quil est utilisable embarqué sur un
bateau ou dans un avion sans précautions particulières. Le
golfe du Mexique fut le premier à être scruté avec succès
par cette méthode : malheureusement ce nest pas
demain quun tel appareil sera à la portée des finances
dun club ni même dune association spéléologique
|
Elles sont de deux
types, lun mesurant les courants électriques «
naturels » présents dans le sol (méthode passive), lautre
utilisant des courants électriques injectés « artificiellement »
puis récupérés et mesurés (méthode active). |
3.4.1 Mesure du courant
émis par le sol
Cette
méthode est de loin la moins utilisée sauf dans le cas de
la recherche de zones propices à lexploitation géothermique.
On mesure en fait la différence de potentiel entre les extrémités
de deux lignes électriques reliées au sol et qui recueillent
les courants telluriques, soit nés dans les
masses sulfureuses ou graphitiques du sol, soit créés dans
celui-ci par linfluence de lionosphère elle-même
chargée électriquement. |
3.4.2 Méthode active
par injection de courant dans le sol
On peut distinguer
deux grandes catégories de mesures utilisant du courant
électrique injecté : La première consiste à
envoyer du courant continu dans le sol par deux électrodes.
Après avoir fait varier lécartement des électrodes et
mesuré la différence de potentiel grâce à deux électrodes
supplémentaires, on évalue la résistivité des roches du sous-sol .
cette technique permet par exemple de découvrir de leau
souterraine, elle est utilisée également en archéologie. La
seconde mesure les courants dinduction. Linjection
se fait grâce à une bobine et la mesure de même. Cette méthode
est utilisée en prospection minière et peut être mise en uvre
à partir dun hélicoptère, les courants induisant des
champs électriques mesurables à distance. Nous allons détailler
ci-dessous au 3.4.2.1 et au 3.4.2.2, deux exemples de mesures
appartenant à cette catégorie des méthodes électriques actives
par induction. |
3.4.2.1 La méthode
dipôle-dipôle
Cette
méthode utilise les propriétés électriques du sous-sol et
linfluence de sa conductibilité sur
la propagation des champs électromagnétiques. En pratique
on déplace à la surface du sol deux bobines séparées dune
distance constante : pour des bobines séparées de 3.66
mètres, la pénétration moyenne est de 6 mètres. Lune
est émettrice (10 kHz) et lautre réceptrice. Cette dernière
mesure les composantes du champ magnétique induit par le courant
provenant de la première. Les données sont recueillies point
par point par un ou deux opérateurs et léquipement est
réduit. Cette méthode est employée dans la détection de failles,
de filons conducteurs, daquifères ou de câbles et canalisations
métalliques enterrées. Elle ne nécessite pas de piste carrossable.
(voir documentation en bas de cette page : Tomographie pour
géologues) |
3.4.2.2 La VLF
La VLF est une variante
particulière de la méthode décrite précédemment. Sa particularité
vient de lémission du signal électromagnétique. En effet,
celui-ci est produit par des émetteurs en très basse fréquence :
12 à 25 kHz (Very Low Frequency) très éloignés du site de
mesure et dont la destination première est militaire (contact
avec les sous-marins tactiques en plongée). Plusieurs variantes
de la méthode existent : avec ou sans contact de lantenne
réceptrice au sol, sur une ou plusieurs fréquences simultanées
de direction identique, sur un seul ou plusieurs émetteurs
situés dans différentes directions. Quoi quil en soit
toutes ces méthodes consistent à mesurer les effet
dinduction causés par ces ondes kilométriques.
Les défauts majeurs de cette technique résident
dans la difficulté dinterprétation des résultats et
dans le fait que lon ne maîtrise pas lémission
qui peut cesser sans prévenir en fonction des décisions des
pays possédant les émetteurs (arrêt à 17 h GMT pour cause
de " tea time " britannique)
Par
contre la profondeur dinvestigation est relativement
importante. |
3.4.2.3 Le Géoradar
|
Le
« Géoradar » (nom déposé) est une prospection
à impulsion basée sur la propagation dondes
électromagnétiques dans le sol. Celui-ci ayant des
caractéristiques diélectriques variables en fonction de sa
composition, on enregistre la réflexion des impulsions émise
aux interfaces de contact entre les différentes composantes
du sol (couches, failles, vides). Linjection est confiée
à des antennes de fréquence variable (80 à 1000 MHz) et la
récupération de même. Ces antennes peuvent être placées en
surface ou à des hauteurs variables à lintérieur dun
forage. Lenregistrement a lieu en continu et fournit
des graphiques dont linterprétation est facilitée par
lutilisation de progiciels. Sur lenregistrement
reproduit ci-contre (récepteur dans un forage), on distingue
une hétérogénéité sur la droite à mi-hauteur qui signale le
passage de londe dans une petite cavité à 5 mètres de
profondeur.
Cette technique est utilisée pour détecter
des cavités métriques dans les 10 premiers mètres du sol en
moyenne. Elle est non destructive et rapide mais nécessite
une piste carrossable pour laccès du véhicule qui tire
lappareillage de mesure. Malheureusement, la présence
dargiles et deau en surface gêne la propagation
du signal. |
3.5 La sismique réfraction
Cette étude
des ondes élastiques se propageant dans le sol est
similaire à celle quutilisent les sismologues (quand
ils étudient les tremblements de terre) mais adaptée à la
couche supérieure du sol. Au lieu détudier les séismes
naturels, on utilise les capteurs des sismographes pour mesurer
les vibrations dues à lexplosion de charges placées
dans le sol ou à des ébranlements dus à des détentes dair
comprimé. Londe ainsi créée se propage dans les
sol de proche en proche et subit des réflexions et réfractions
(comme en optique).
Les résultats sont des courbes appelées « sismogrammes »
qui, une fois combinées entre elles, forment des sortes de
coupes du terrain sous-jacent donnant une idée relative des
roches sur plusieurs kilomètres de profondeur. Cette technique
est utilisée principalement en génie civil, prospection minière
et océanographie géophysique. De plus elle est actuellement
la méthode par excellence des prospecteurs dhydrocarbures
et de gaz et absorbe la quasi totalité de largent investi
dans la prospection pétrolière. Pour nous spéléologues, rien
de raisonnablement utilisable dans létat actuel de la
technique bien que lécho dun vide sous terrain
semble la réaction la plus évidente à mettre en uvre
et à détecter. Qui sait si en embauchant un pisteur Sioux
avec loreille collée au sol
|
La
myriade de satellites qui nous tournent autour peuvent aussi
à loccasion nous donner des mesures exploitables en
géophysique. Mis à part le système de localisation GPS (voir
article consacré à ce sujet dans la chronique de
Doc Carbur N°7), dautres satellites utilisent des
radars pour mesurer avec précision la distance qui les sépare
de la surface du globe. Ces satellites (GEOS 3, SEASAT, GEOSAT,
ERS-1, TOPEX POSEIDON) complètent les données gravimétriques
pour étudier le géoïde au niveau des océans. Les
satellites géostationnaires ont également permis de mesurer
laplatissement du globe terrestre avec précision et
évaluent également la gravité dans les zones marines plus
difficiles daccès pour les méthodes classiques. Dautres
satellites mesurent en permanence la valeur de la magnétosphère
terrestre. Quoi quil en soit, pour un spéléologue le
satellite na guère dutilité que dans le pointage
par GPS des cavités : ce nest pas demain quun
engin en orbite autour de la terre vous indiquera les endroits
où il faut attaquer une désobstruction. |
Comme annoncé plus
haut au 3.3 nous allons nous étendre un peu plus longuement
sur ce sujet, la gravimétrie étant une des techniques géophysiques
la mieux adaptée à la découverte de cavités dans une couche
supérieure du sol de quelques dizaines de mètres dépaisseur.
La gravimétrie à léchelle de vastes régions terrestres
a pour objectif dapporter ses mesures à la géodésie
et de découvrir ainsi la forme de notre globe. Ce nest
pas cette composante de la gravimétrie qui nous intéresse.
Un Causse cest plat (ou à peu près), peu importe la
forme du globe terrestre : ce que lon voudrait
savoir cest si cest creux en dessous ! Bref
ce que demande un spéléo à la gravimétrie, cest de lui
permettre de voir à travers du calcaire. |

Mesurer lattraction terrestre consiste à faire une
sorte de pesée dune extrême précision. Plusieurs types
dappareils ont été adaptés pour remplir cette fonction :
il sagit toujours dune masse liée à un support
qui est mise en mouvement plus ou moins prolongé par la
gravité. Dans un ordre chronologique et historique sont
apparus tout dabord les pendules, puis les balances
de torsion et enfin les gravimètres. Lappareil utilisé
de nos jours le plus fréquemment dans la mesure du champ
de pesanteur (gravité) est le gravimètre ou le micro gravimètre
pour les intimes. Ces appareils peuvent être de plusieurs
types différents : cela va dun boîtier de quelques
dm3 et aisément transportable à des engins fixes (de la
taille dune petite pièce dhabitation) que sont
les gravimètres supraconducteurs. Passons
rapidement sur ces engins dont un seul modèle existe en
France (à ma connaissance) à Strasbourg au sein de lObservatoire
Gravimétrique de Strasbourg, qui ont pour objectif létude
du noyau liquide de la terre et de ses mouvements.
|
4.2.1 Les pendules
Cest lappareil
historiquement le plus ancien, Newton et sa théorie de la
gravitation avait déjà envisagé les variations locales de
celle-ci et lexpérience du pendule permettait théoriquement
de les mettre en évidence. En effet la formule T = 2B q l/g
où T est la période du pendule et l sa longueur, permet dévaluer
la gravité.
Plus tard Pierre BOUGUER (dont on reverra le nom plus loin)
mesura la variation de g grâce à un pendule lors dune
expédition en Équateur. Il sagissait de mesurer la longueur
du fil du pendule avec une règle : autant dire que la
précision laissait à désirer ; enfin Charles de BROCA
améliora la précision avec un pendule double. Au cours des
deux derniers siècles on put mesurer la gravité au 1/100 000
puis à 0,25 microgal près en 1930 pour un temps de mesure
de lordre de la demie heure. |
4.2.2 Les balances de
torsion

Ce furent les
ancêtres des gravimètres.
Nous en avons parlé au 3.3
et ny reviendrons donc pas. Ajoutons simplement que
lunité de mesure est le Eötvös qui
vaut 10-6 milligal / cm.
|
4.2.3 Les gravimètres
Il sagit
essentiellement dune balance munie dun peson à ressort
extrêmement sensible. Les variations de la gravité jouent sur
lallongement du ressort qui est alors mesuré. |
4.2.3.1 Les
gravimètres stables
Ce sont les moins faciles
à mettre en uvre, ils utilisent un procédé simple en
application de la loi de Hooke sur lallongement des
ressorts de pesons. Loi de Hooke : Vg = k/m x Vx ( Vg
est la variation de la gravité, m la masse suspendue au ressort,
k la constante du ressort, Vx la variation dallongement
du ressort). Un exemple de gravimètre stable est le gravimètre
GULF sensible à 0,1 microgal et pesant 13 kg environ.
Pour détecter une variation dun microgal il faut pouvoir
lire des variations de longueur denviron 106
cm soit 0,00001 mm : il faut donc une bonne vue ! |
4.2.3.2 Les gravimètres
astables

Principe d'un gravimètre
|
Ils
sont plus précis et leur mécanisme est plus complexe. Il en
existe 3 modèles principaux qui sont généralement isolés thermiquement.
Leur prix varie de 150 000 à 300 000 F environ ce qui nest
pas rien ! Mais vous pourrez peut-être vous en faire
prêter un si vous avez vos entrées dans le labo de géophysique
de la faculté la plus proche ou dune grosse entreprise
de géotechnique (CGG, BRGM).
En voici quelques exemples :
-
Le LACOSTE et ROMBERG
(1934) qui pèse environ 3 kg et a une précision de lordre
de +/- 10 microgals

-
Le WORDEN (1948) avec
des ressorts en quartz sous vide et isolé thermiquement
qui pèse lui aussi environ 3 kg. Sa précision est de lordre
de +/- 10 microgals.

-
Le SCINTREX CG3 :
modèle électronique dont certaines versions peuvent être
héliportées (1998). Leur sensibilité est denviron
1 microgal et leur précision de 3 microgals
. 
|
4.3 Mesures et corrections
4.3.1 Les mesures
Diverses précautions
doivent être prises pour effectuer les mesures. Tout d'abord,
l'altitude des stations où sera placé le gravimètre doit être
connue le plus précisément possible. Les différences éventuelles
de niveau entre les stations doit, elle aussi, être mesurée
au centimètre près et nécessite parfois les visées de nivellement
d'un géomètre bien équipé. Les mesures doivent être nombreuses
et on doit laisser suffisamment de temps à l'appareil pour
que le support reste bien stable et éviter toute vibration
parasite à proximité qui risquerait de perturber la mesure.
Avant de déplacer le gravimètre à la station suivante il faut
bien le verrouiller car toute secousse en détériorerait irrémédiablement
le mécanisme. A ces conditions vous obtiendrez une série de
mesures exploitables après corrections. |
4.3.2 Les corrections
4.3.2.1 De latitude

La
gravité au niveau de l'équateur est plus faible qu'à des
latitudes plus hautes à cause de la force centrifuge due
à la rotation du globe et au fait que la terre est légèrement
aplatie aux pôles. Il faut en tenir compte et soustraire
une valeur par rapport à celle de référence. Cette valeur
se calcule à partir d'une belle formule où intervient la
latitude du lieu et dont je vous fais grâce (formule de
CLAIRAULT).

|
4.3.2.2 Daltitude
Plus on se trouve
en altitude, plus on s'éloigne du centre de la terre et donc
plus la gravité diminue. Là aussi il faut corriger les mesures
qui sont faites par rapport à un niveau de référence et ajouter
(en altitude) ou diminuer (dans des régions basses) d'autant
la valeur de gravité mesurée. Cette correction s'appelle «correction
à l'air libre» est égale à 0,3086 milligal par mètre.
Tiens, j'ai oublié de me retenir pour ce coup-ci et j'ai lâché
un premier nombre : attention, d'autres suivront. |
4.3.2.3 De masses
La gravité en un lieu
donné varie en fonction des masses rocheuses situées entre
les stations de mesure et le niveau de référence. Par exemple,
au creux d'une allée encaissée au sein d'un massif montagneux
on n'aura pas la même valeur de gravité que sur un plateau
(à altitude et latitude égales). Cette correction s'appelle
"Correction de Bouguer" et elle est inverse à la
précédente. Il faudrait, pour l'exemple ci-dessus, diminuer
les valeurs mesurées pour les stations de vallée de montagne
et les augmenter pour les autres. Cette valeur vaut 0,1118
milligal / m si l'on considère que la roche environnante a
une densité moyenne de 2,67 g / cm3 soit 2,67 kg au litre.
Là aussi, la composition du sol a de l'importance, cette correction
sera plus importante dans un terrain primaire de granite dense
que pour un relief crétacé karstique et donc plein de trous
!!! |
4.3.2.4 De terrain

Les reliefs proches des stations de mesure ont aussi une
influence qui pourrait être comparée à une mini "anomalie
de Bouguer". Cela n'a pas grande importance sur un Causse
mais peut devenir nécessaire si vous vous trouvez à proximité
d'une ou plusieurs falaises importantes. Pour l'évaluer il
faut utiliser un abaque correspondant à la carte topographique
du lieu où se font les mesures : l'abaque de
HAMMER. |
4.3.2.5 De dérive
Au fur et à mesure
de l'utilisation du gravimètre, les ressorts s'échauffent
et la mesure en est légèrement altérée. On vérifie cette dérive
en repassant plusieurs fois à la station de base et en effectuant
la correction éventuelle. |
4.3.2.6 De marée

La croûte terrestre
est attirée par la lune et le soleil de
la même manière que leau des océans. Ces marées diminuent
la valeur de la gravité quand elles sont à leur maximum.
Cette correction est minime mais complexe. Un tableau
des variations en fonction de la date, de l'heure
et du lieu permet de la mettre en uvre.
|
4.3.2.7 De mouvement

Cette correction appelée « correction d'Eötvös
» n'est nécessaire que pour les mesures effectuées
à partir d'un véhicule mobile. Elle a pour but de compenser
l'effet produit par la vitesse qui, suivant le sens de déplacement,
augmente la valeur de g (vers l'ouest) ou la diminue (vers
l'est). Ceci est bien entendu encore une conséquence de
la rotation de la terre.
|
Toutes ces méthodes
de recherches ont des applications professionnelles diverses
telles que la recherche dhétérogénéités du sous-sol
pour les travaux publics (autoroutes, fondations, voies de
chemin de fer). Certaines pourraient être appliquées spécifiquement
à la prospection spéléologique mais ne le sont que rarement.
Il faut en effet surmonter de nombreux problèmes qui sont
dordre matériel et financiers. Si lon trouve relativement
facilement une équipe compétente de spéléologues pour mener
ce genre dinvestigation, ce nest pas pour autant
que lon pourra se procurer un appareillage coûteux et
relativement rare.
Si cet obstacle est franchi, par relation ou par le biais
dune activité à but mixte scientifique et spéléologique,
on pourra constater que la prospection par microgravimétrie
ainsi que le " Géoradar "
sont efficaces. Leur marge derreur nest pas négligeable
mais il est possible de détecter sur un Causse une salle ou
une galerie de quelques mètres de large à environ une ou deux
dizaines de mètres de profondeur.
Diverses expériences ont pu être réalisées en France. Par
exemple, à la grotte de Font-Paule près dAvignon une
salle de 6 m de diamètre pour 12 m de hauteur a été détectée
à environ 5 m de profondeur (au dessus du plafond de la salle).
Lanomalie était denviron 15 microgals. Ailleurs,
une autre expérience a permis de détecter une ancienne carrière
souterraine de 150 x 75 m, suite à linterprétation dune
anomalie résiduelle de gravité denviron 30 microgals
(voir schémas en annexe ci-après).
Dans lHérault une tentative avait été faite au dessus
de la grotte de La Leicasse pour détecter la salle Edmond
Milhaud (salle de 100 m de hauteur et dont le sommet est à
environ 10 m de profondeur). Le résultat avait été mitigé
car le report topographique de la cavité était imparfait et
seul le bord de lanomalie était alors visible. |
Et demain que pourrait-il se passer ? On pourrait voir
une scène de ce genre sur les Causses :
Enfin, ici Erdé simplifie un peu
les choses évidemment. Mais expliquons tout de même
ce qui pourrait se passer.
Des progrès incessants ont été réalisés
dans la mesure précise du temps. Pour mettre au point
le système GPS de localisation par satellite, il
a fallu mesurer le temps avec une précision jamais
égalée jusqu'àlors. Si vous souhaitez
avoir plus de détails sur ce fonctionnement, bien
utile aux spéléos prospecteurs pour localiser
leurs découvertes, voir Doc
Carbur N°7. Mais même la précision de ces
horloges au Césium ne suffit plus. Les astrophysiciens
sont en train d'essayer de mettre à l'épreuve
le système actuel d'équations de la physique
appelé « système standart » et
qui décrit le fonctionnement de l'Univers des galaxies
jusqu'aux particules élémentaires. Ce système
initié par la théorie de la Relativité
générale d'Einstein puis complété
par la Mécanique quantique, est en pleine évolution
(pour en savoir plus sur ces deux points voir
Doc carbur 9). Pour résumer nous dirons que ces
deux bases sont parfois incompatibles entre elles et se
refusent pour l'instant à fusionner simplement. Pourtant
chacune dans sa spécialité est vérifiée
expérimentalement, la première par exemple
dans le système GPS justement et la seconde en électronique
dans tous vos appareils bourrés de puces et de transistors.
Pourtant la théorie qui unirait la relativité
et la Quantique peine à émerger. Pour tester
la valeur de ce système standart si efficace mais
si frustrant car incomplet, une des expériences nécessite
l'utilisation d'horloges d'une précision inimagineable
(je vous passe les détails du pourquoi, désolé).
Bon, en admettant que ce qui vient d'être dit soit
assimilé (vous me suivez toujours j'espère...),
quel rapport y a-t-il entre une montre super-super-super-super-précise
et la détection d'une grotte encore invisible, bref
comment faire de la première avec son chrono (parce
que c'est ça le thème du dessin de Erdé
ci-dessus, j'espère que vous aviez compris...) ?
Pour comprendre il faut revenir au point 3.3.1
: s'il y a un vide sous les deux spéléos,
il y a moins de masse terrestre donc une attraction moindre
(une gravité plus faible). Mais, et c'est là
toute la beauté de la chose, Albert Einstein a démontré
grâce à la Relativité générale
que plus la gravitation diminue, plus le temps passe vite
(et inversement). Fort non ? Le pire c'est qu'à l'époque
où ça a été démontré
on ne pouvait pas le prouver expérimentalement (depuis,
merci, ça a été fait et sans cela tous
vos GPS indiqueraient des positions tellement fausses que
vous les auriez jetés depuis longtemps).
Donc reprenons : si on peut mesurer une légère
(mais alors très très très très
très légère) avance du chrono à
cet endroit-là par rapport à un autre chrono
de référence, c'est que la gravitation est
plus faible donc que c'est creux dessous : on a remplacé
le microgravimètre par deux super-horloges atomiques.
CQFD !
ATTENTION : ça ne marche pas avec
votre Casio à quartz, ni même avec une Rolex.
Alors ne vous mettez pas à creuser un trou chaque
fois que votre montre avance de 5 secondes : vous finiriez
par vous faire remarquer !
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5 Annexe
6 Documentation
complémentaire (.pdf)
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