Bien
plus dangereuses sont les premières lampes à essence minérale. L’essence
est un résidu très volatil de la distillation du pétrole. À
cette époque, elle ne coûte alors presque rien, et plusieurs constructeurs
tenteront de fabriquer des lampes dont le réservoir est rempli d’éponge,
ou qui utilisent des becs spéciaux...
Vers
1860, MILLE
propose ses lampes sans liquide (ou gazo-lampes) : le réservoir
contient des fibres d’éponge, censées absorber toute l’essence
(voir Figure 29). La mèche pleine s'imbibe au contact de cette éponge,
et conduit le liquide en haut du bec étroit d'un demi-centimètre
et haut de trois environ. La flamme éclaire à peu près comme une
bougie, d'une lumière plus blanche, exempte de fumée. Il n'y a en
général pas de système de réglage de la hauteur de la mèche, l'appareil
étant déjà économique et peu lumineux par rapport aux grosses lampes.
Cette lampe, très populaire, n’est pourtant pas exempte de
dangers.
Après quelques essais, PIGEON
brevette en 1884
sa fameuse lampe borne standard (voir Figure 30), directement
issue de sa lampe de sécurité très massive (à ne pas confondre
avec les lampes de sûreté des mineurs !).
Le principe, novateur, est pourtant simple : une mèche pleine
cylindrique de 7 mm de diamètre est enfermée dans un tube ; le
bec étanche est vissé sur le réservoir garni de rondelles de feutre
(retenant mieux l’essence et ne se désagrégeant pas à son
contact). La flamme, réglable, est beaucoup plus haute du réservoir
que sur la lampe Mille. La sécurité est totale ! Même inclinée,
même la tête en bas, la lampe Pigeon ne risque aucunement d’exploser.
Sur les poignées, Pigeon inscrit « Mr Pigeon offre 10.000 F
garantis au client qui fera exploser une lampe Pigeon garnie de
lama comme son réchaud à alcool ». En 1910,
il retirera la mention, las des procès frauduleux : il n’aura
jamais eu à payer ces fameux dix mille francs !

Pigeon dessine de nombreux modèles de réservoirs pour ses lampes,
aussi bien petites et fonctionnelles que plus grandes et élégantes.
Chaque version est en général en laiton poli ou
nickelé, et certaines sont ouvragées à la main. Les lampes « toupies
» possèdent un réservoir plat et une douille, qui leur permettent
de prendre place dans les bougeoirs et les lanternes (voir Figure 33).
On peut ainsi continuer à utiliser ses bougeoirs en toute économie
!
La lampe Pigeon, qui n’éclaire guère plus
qu’une bougie, sert d’éclairage portatif et d’appoint,
remplaçant surtout les bougies et bougeoirs. On l'allume pour se
déplacer dans les pièces, pour lire le soir, ou pour travailler
sans utiliser la coûteuse lampe à pétrole.
Une profusion de modèles différents élargissent
la gamme riche et variée. Une galerie spéciale permet de transformer
la flamme ronde en flamme plate, bien loin cependant d’égaler
les lampes de table et plafonniers à pétrole ou gaz (voir Figures
31 & 32).
Certains
constructeurs prévoient des becs Auer à incandescence (voir page
suivante) à adapter, tels le bec Anox (voir Figure 33). Ces systèmes
nécessitent un préchauffage et n'ont pas de réel avantage, puisque
ce type de petite lampe ne sert à l'origine qu'à remplacer les bougies
peu lumineuses, mais suffisantes pour monter se coucher.
Dans les modèles classiques, le petit verre ne
joue pas le rôle de cheminée comme pour les gros becs. Il ne sert
qu'à protéger la flamme des mouvements d'air et à éviter son contact
direct avec les rideaux. Certains modèles teintés ou peints aspirent
surtout à un rôle décoratif.
Lorsque le brevet tombe dans le domaine public en 1900,
de nombreuses copies envahissent les vitrines des quincailliers.
Elles sont souvent de moins bonne qualité, mais elles empruntent
très fidèlement la taille et la forme de la lampe borne standard.
D'autres modèles, en revanche, sont plus élégants
et leur bec se démarque de celui de Pigeon (par exemple, la lampe
Gardon - voir Figure 34). |