Dès
le début du XIXe siècle, certains téméraires ont essayé, avec peu
ou prou de succès, de s’éclairer au gaz.
Qu’il s’agisse de gaz naturel recueilli dans les marais
ou de gaz de copeaux de bois chauffés, le principe reste le même
: récupérer le gaz, l’épurer, l’amener sous pression
via des tuyaux jusqu’à un bec, percé d’un petit trou,
où il s’enflamme et éclaire. 
L’histoire retiendra surtout le nom de Philippe
LEBON, inventeur et ardent défenseur de l’éclairage
au gaz issu de la distillation du bois. En fait, c'est le gaz extrait
de la houille qui l'emporte et le gaz d’éclairage,
produit industriellement, apparaît dans les villes dès 1830
environ. Avant d'être distribué, il est lavé et purifié puis est
stocké dans un gazomètre, sorte d'immense cloche.
Aux
premiers becs, simples trous d’épingles, succèdent les becs
à flamme papillon (voir Figures 11, 12 &
13) : une flamme plate s’échappe d’une petite boule
fendue, permettant ainsi une bonne oxygénation (on retrouve le système
de la mèche plate).

Avec les becs Manchester, deux jets fins s’écrasent
et composent une flamme encore plus plate, fixe et brillante.
Existent aussi des brûleurs reprenant le principe du bec d’Argand,
les becs Bengel (voir Figures 14, 15, 16 &
17), à ceci près que le verre reste cylindrique et que la mèche
est remplacée par une couronne de petits orifices (environ 0,5 -
1 mm de diamètre). Cette couronne, d'abord en métal, est ensuite
en stéatite (silicate de magnésium) qui offre une excellente isolation
thermique et réduit l'échauffement.

Pour chauffer l'air et limiter ses mouvements, la base du bec est
entourée d'une fine toile métallique (voir Figure 15, à droite),
de fentes verticales (voir Figure 15, à gauche) ou d'une
enveloppe en porcelaine.
Les becs d'Argand à gaz offrent une lumière blanche
et fixe, bien supérieure aux lampes à huile, en dépit d'une consommation
élevée. En général, une petite manette (terminée d'une boule en
bois pour ne pas qu'on se brûle !) permet d'abaisser la flamme en
veilleuse (voir Figure 17).
Citons
les becs « Quatre-Septembre », employés en 1878
pour la première fois à Paris dans la rue éponyme, en réponse aux
lampes à arc de Jablochkoff essayées avenue de l'Opéra. On retrouve
le principe du double courant d'air, mais la couronne du bec Bengel
est remplacée par plusieurs becs papillons disposés en cercle. Deux
coupes de cristal en dessous du bec séparent les courants d'air
intérieur et extérieur. Cet appareillage est évidemment réservé
aux grands espaces.
Les becs à récupération, plus
économiques, utilisent la chaleur de la flamme pour chauffer l'air
et ainsi améliorer le rendement.
Plus marginal et bientôt concurrencé par les manchons
Auer (voir page suivante), le bec Albo-Carbon enrichit
localement le gaz en carbone, pour améliorer son efficacité lumineuse.
La flamme chauffe un réservoir rempli de naphtaline, laquelle s'évapore
et se mélange au gaz.
Dans les appartements, les appliques
sont fixées aux murs et complètent les plafonniers. Les trotteurs,
reliés par un tuyau souple, permettent de déplacer la lumière
plus librement qu'avec les bras articulés, appelés genouillères.
On trouve également des adaptateurs pour convertir ses lampes
à pétrole au gaz (voir Figure 16).
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Une des nombreuses bougies à gaz
de coke qui équipait jadis les lustres de la basilique
Saint-Denys d'Argenteuil (Val-d'Oise). Leur corps était
en céramique et le bec à flamme papillon.
(crédit photographique : Yves
S. & Wikipedia)
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Le
gaz libère les utilisateurs des nombreux inconvénients de l’huile,
ce qui en fait rapidement l’éclairage urbain par excellence.
Il brûle très bien, évitant suie et odeurs, et offre de fortes puissances
d’éclairage ; il ne demande aucun autre entretien qu’un
époussetage des becs et des globes ; pour allumer le bec, rien de
plus simple : craquer une allumette, ouvrir le robinet, attendre
quelques secondes, et présenter l’allumette au-dessus du verre
(bec d'Argand) ou du globe (bec papillon). Des allumoirs à alcool
(espèces de petites lampes), à main ou fixés au bout d’une
perche, permettent d’enflammer plusieurs becs sans gâcher
une allumette à chaque fois (voir Figure 18). Cependant,
on accuse le gaz de ville d'abîmer l'intérieur des salons et d'être
mauvais pour la santé. En conséquence, il tardera à s'immiscer dans
les salons, où demeureront les bougies et les lampes à huile ou
à pétrole.
Mais plus de réservoir à remplir, d’huile
à nettoyer ! En contrepartie, il faut rester vigilant quant à la
qualité des installations, car la moindre fuite peut être fatale
(asphyxie au monoxyde de carbone).
En outre, pour détecter les fuites, on ajoute au gaz une odeur qui
disparaît lors de la combustion. Il est également souvent interdit
de noyer les canalisations dans les murs ou des plafonds, afin d'éviter
l'accumulation du gaz entre les cloisons (d'où l'intérêt des appliques,
plus esthétiques).
Ainsi, le gaz d’éclairage a ses partisans
qui louent ses avantages, et ses farouches détracteurs qui décrient
le manque de sécurité.
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