Mais
l’électricité a aussi ses partisans, de plus en plus nombreux,
qui vont obliger ceux du gaz à réagir, et vite ! D’abord,
une pléthore d'inventions peu ou prou performantes permettent d’allumer
et d’éteindre les becs sans allumette (systèmes chimiques,
à piles électriques, à molette et ferro-cérium comme les briquets...),
et à distance à partir d’un interrupteur (câbles souples ou
rigides noyés dans les cloisons et plafonds).
Égaler,
c’est bien ; surpasser, c’est mieux !
Pour améliorer le rendement lumineux des becs à gaz,
on a l'idée de porter à incandescence des corps incombustibles.
La « lumière Drummond » est obtenue en chauffant une pastille de
chaux à l'aide d'un chalumeau oxy-hydrique (gaz mélangé à de l'oxygène
pur juste avant sa sortie du brûleur), parfois remplacé par le système
Bunsen (gaz mélangé à l'air ambiant qui entre par des orifices)
(voir Figure 39 - l'appareil de cette figure provient d'un
projecteur pour voiture automobile). Hélas, elle est trop ponctuelle,
puisque seule la face chauffée de la pastille émet de la lumière.
Ce système est en revanche parfait pour les projecteurs. 
Plus tard, une toile de fils de platine iridié
(bec Sellon) ou de petits crayons de magnésie (voir Figure
40) sont suspendus au-dessus de la flamme, et brillent d'une lumière
douce et fixe. Mais on est loin du résultat idéal : le rendement
n'est guère meilleur, et dans le cas des peignes de magnésie, ceux-ci
perdent la moitié de leur pouvoir éclairant au bout d'une centaine
d'heures. |
En
1886, suivi
d'une seconde version en 1890,
naît le bec Auer, ou bec à incandescence
d'AUER VON WELSBACH (voir Figures 41, 42, 43
& 44).
Après le premier modèle composé de thorium et d'yttrium, un manchon
de coton imbibé de nitrates de thorium (99 %) et de cérium (1%)
est calciné : il en résulte une « toile » d’oxydes de ces
terres rares, qui chauffée à l’intérieur d’une flamme
de gaz émet une vive lumière très blanche (voir Figure
44 - ce mélange est 10 fois plus lumineux que l'oxyde de cérium
seul, et 70 fois plus que l'oxyde de thorium seul).
  Dans
une flamme « normale », un dépôt de suie se forme sur le manchon
: il faut donc une flamme dite bleue, où la combustion
du gaz est totale, par opposition à une flamme blanche
où ce sont les particules incandescentes de carbone qui brillent.
C’est le principe du bec Bunsen, où avant de brûler le gaz
est mélangé à l’air (ce système est toujours utilisé, par
exemple dans nos lanternes Campingaz.).
Le bec intensif (voir Figure
41) possède deux injecteurs superposés et deux couronnes d'appel
d'air, pour augmenter la vitesse du mélange gazeux et sa richesse
en oxygène.

Les becs renversés (voir Figures 42, 43 &
44), inventés peu après, suppriment l’ombre gênante et
éclairent vers le bas, comme avec l’électricité. Grâce à cette
configuration, les cheminées de verre ne sont plus indispensables.
L’efficacité et la qualité lumineuses
des becs Auer surpassent celles des lampes électriques, d’où
une concurrence acharnée entre les deux camps. On reprochera aux
becs à manchon d’émettre souvent un léger sifflement, pendant
que la lumière trop blafarde manque d’intimité.
En même temps, les lampes électriques progressent
(filament de tungstène, gaz inerte dans l’ampoule, double
spiralage du filament plus chaud, plus blanc et plus brillant),
chassant définitivement l’éclairage au gaz dans les années
1930.
Dans les campagnes, où le gaz de ville n’arrivera
jamais et où l’électricité tarde jusqu’en 1940, avant
la fin du XIXe siècle il n’y a que très peu d’améliorations.
L’introduction des becs Auer est alors un grand progrès, dans
des lampes à pétrole (Aladdin par exemple), comme dans celles à
gaz d’essence, de pétrole ou d’alcool. Pour ces dernières,
on distingue les lampes dites « à pression », et celles « sans pression
». |
Dans
ce premier type (Coleman, Petromax,...), le liquide est pressurisé
à l’aide d’une pompe, et se transforme en gaz. Grâce
à l’emploi de becs renversés, la chaleur de la flamme permet
ensuite de maintenir une certaine pression. Ce type d’éclairage
est très efficace, grâce au haut débit de gaz, mais peut s’avérer
dangereux. Les lampes à pression utilisant le pétrole (voir
Figure 45) nécessitent un préchauffage préalable :
on allume alors une coupelle remplie d’alcool placée à la
base du tuyau (appelé générateur) qui amène le gaz au bec.
Dans les plafonniers d’appartement, le réservoir
est souvent placé au-dessus du ou des becs renversés, ce qui évite
toute ombre gênante (voir Figure 47). Celui des appliques
est latéral, contre le mur (voir Figures 46 & 47).
Lorsque le réservoir est situé en bas, comme c’est le cas
des lampes de table ou des lanternes, le générateur masque une partie
de la lumière.
Il est bien sûr possible d’utiliser deux becs
(c’est encore le cas dans les lampes Coleman), mais sur les
côtés ce n’est alors qu’un seul manchon qui éclaire.
L’astuce de quelques constructeurs (Vapalux,...) est de placer
le manchon autour du générateur (voir Figure 45).
Certaines installations sont dotées d'un réservoir extérieur, placé
en hauteur, qui alimente plusieurs becs via des tubes très fins,
la pression n'étant due qu'à l'effet de gravité.
A noter également qu'il existe des lampes à pression à becs papillon,
là où les manchons risquent d'être abîmés : foires, chantiers,...
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Plus sûres mais moins performantes, les lampes sans pression
n’ont pas de réservoir pressurisé (Titus de Tito-Landi notamment
- voir Figures 49 & 50). Des becs peuvent même être
adaptés à des lampes à pétrole (voir Figure 48). On chauffe
le brûleur pendant environ deux ou trois minutes à l’aide
d’une flamme à alcool, et c’est à l’intérieur
du bec que la pression monte, l’essence étant amenée via
une mèche en coton. Là encore, c’est la chaleur de la flamme
qui maintient la pression. Ces lampes éclairent bien moins que
les précédentes, sont fastidieuses à allumer, mais on y gagne
en sécurité !
Le liquide utilisé pour chauffer les becs est l’alcool,
car il ne fume pas et par conséquent sa flamme ne noircit pas
l'appareil.
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